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Histoire de la médecine en Egypte ancienne (ISSN 2270-2105)

Anatomie égyptienne des vaisseaux Ⓑ Tête et cou ( = p. 12-24 only)

 

 

• Richard-Alain JEAN, « Le cœur, les poumons, et les vaisseaux, 4 – Anatomie égyptienne des vaisseaux », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Paris, 15 avril 2024 : Ⓑ Tête et cou

( = p. 12-24  only).

 

 

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4.1. Les gros vaisseaux de la tête et du cou

 

J’ai déjà indiqué plusieurs fois ailleurs [i] que le médecin savait palper les pouls avec sa main et ses doigts placés sur la tête et la nuque (pEbers 854a. 99,3). Il s’agit de percevoir les pulsations cardiaques dans plusieurs endroits, comme au niveau de la carotide, de l’artère temporale superficielle, de l’artère faciale, et d’un segment de l’artère occipitale qui remonte verticalement à la face postérieure du scalp. En ce qui concerne les identifications, les réseaux sont anastomotiques, ce qui est une difficulté.

tête ». Ce schéma simplifié concerne des artères carotides communes gauche et droite, puis, les veines jugulaires droite et gauche internes ou externes. Mieux, il est tout à fait possible que les anatomistes égyptiens aient considéré que le « cou » commençait immédiatement au-dessus des deux clavicules ou des deux premières côtes, dans ce cas, ces quatre vaisseaux correspondaient aux trois troncs brachio-céphaliques artériels et veineux et à la carotide commune gauche, ce qui fait quatre gros vaisseaux. Beaucoup plus précis, un passage du pBerlin 3038 (163 b. 15, 5-6) compte vingt-deux vaisseaux établis entre le cœur et la tête. J’ai déjà indiqué [ii] qu’il fallait les considérer comme des ramifications s’étendant des gros vaisseaux artériels et veineux rejoignant la tête à partir, dont : 1. de l’aorte, 2. de l’artère brachio-céphalique à droite, 3. de l’artère carotide commune à gauche, se poursuivant par les artères carotides 4. internes droite, 5. externes droite, et 6. interne gauche, 7. externe gauche, des veines brachio-céphaliques 8. droite et 9. gauche se poursuivant par les veines jugulaires 10. interne droite, 11. interne gauche 12. externe droite, 13. externe gauche, plus une centrale thyroïdienne, plus huit autres.

La suite de ce petit passage nous expose que ces vaisseaux se déversent dans la « nuque » (mkḥ3) en créant un réservoir, un trou (cf. infra), en désignant en fait une partie avant de la nuque, ce qui peut se comprendre dans la mesure où les plus gros vaisseaux que sont l’artère carotide interne et la veine jugulaire interne qui bénéficient d’une gaine conjonctive commune, sont situés très en arrière, c’est-à-dire à ce niveau, au contact de la partie supéro-interne du rachis cervical, en dessous de la base du crâne où la carotide interne pénètre dans le sinus caverneux situé dans le rocher de l’os temporal (Fig. 25-26) ; la veine jugulaire interne sortant de son foramen se situe d’abord en arrière de la carotide interne ... Le texte n’est donc pas fautif pour qui connaît l’anatomie, puisque la carotide interne et la veine jugulaire interne sont bien visibles, pourrait-on dire, en avant de la nuque interne selon le concept égyptien.

 

 

 

 

                                                                                                                                                

 

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en lui pour son front » (pEbers 856 g. 103,14b). L’artère frontale interne et l’artère frontale externe sont issues de l’artère ophtalmique qui est une branche de la carotide interne. Elles croisent le rebord supra-orbitaire pour se limiter au territoire frontal. Cependant, du fait de sa position centrale et de sa propension à se dilater fortement sous certaines conditions (rire, colère, tête basse ; HTA …), ou tout simplement en raison d’une particularité génétique, c’est la veine frontale qui est la plus apparente (veines supratrochléaires). Parfois unique, elle s’étend de la racine du nez au front (Fig. 27). Elle rejoint la veine faciale qui se jette dans la veine jugulaire interne par l’intermédiaire d’un tronc veineux. Il s’agit donc ici d’une artère et d’une veine frontale.

 

 

 

 

sont en lui pour ses sourcils » (pEbers 856 g. 103,14d-15a). Situés sur l’arcade sourcilière qui est très vascularisée comme l’ont immanquablement remarqué les médecins égyptiens, les sourcils font ici l’objet d’une attention toute particulière pour souhaiter en signaler les vaisseaux. La vascularisation de chacune de ces régions protubérantielles est assurée par une sorte « d’arcade sourcilière vasculaire » qui est constituée au tiers externe du sourcil par une anastomose entre : l’artère ophtalmique en dedans et l’artère temporale superficielle en dehors [iii]. Le sang veineux est drainé par la veine ophtalmique supérieure. On peut donc considérer pour ce texte le signalement d’une anastomose artérielle et d’une veine.

snf(w)« deux donnent des sécrétions (nšw.t) et deux donnent du sang » (pEbers 854 b. 99, 6b). Nous passons donc ici à un conduit-mt principal pour chacune des portions, plus un dont il est précisé qu’il fournit les sécrétions nasales – ce qui n’est pas complètement faux dans la mesure où ce sont bien des vaisseaux sanguins qui alimentent la production du mucus sécrété par les cellules muqueuses glandulaires à l’étage turbinal. Il faut rappeler pour la section du texte cité plus haut, qu’une sorte de « réservoir-sécréteur [iv] », et qui doit correspondre en fait aux fosses nasales et aux sinus

 

 


 

 

[i] Voir par exemple en dernier lieu : R.-A. Jean, « Le cœur, les poumons, et les vaisseaux, 1 - Anatomie, Physiologie, Sémiologie », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Paris, 14 juin 2023. p. 31.

[ii] R.-A. Jean, « Le cœur, les poumons, et les vaisseaux, 2 – Anatomie égyptienne du cœur », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Paris, 1er septembre 2023, p. 37.

[iii] C. Bartolin, J. Lalo, « Revue générale sur le muscle corrugator supercilii The corrugator supercilii muscle. A review », Morphologie, 92, 299, Elsévier-Masson, Paris, décembre 2008, p. 145-153.

[iv] W.A. Ward, Four Egyptian Homographic Roots B-3 : Etymological And Egypto-Semitic Studies, Studia Pohl 6, Gregorian & Biblical Press, Rome, 1978, p. 108. Th. Bardinet, 1995, p. 121 après une remarque de P. Vernus. Mais il ne s’agit pas ici de « sébum ».

 

                                                                                                                                                                             

 

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adjacents appelés « trous » (b3) (pEbers 854 d. 99, 10b-12a), qui produisent et contiennent un liquide, le mucus, qui en excès devient pathologique comme nous le verrons en ORL, et à propos de la symptomatologie âaâ graphiée ici avec une mèche de cheveux (D3a) signifiant le contexte poilu de la muqueuse. En effet, la lumière vestibulaire est pourvue de poils bien visibles (vibrissæ). La vascularisation des fosses nasales est assurée, d’une part principalement par l’artère sphénopalatine provenant de l’artère maxillaire issue de l’artère carotide externe, d’autre part les artères ethmoïdales antérieures et postérieures issues de l’artère carotide interne par l’artère ophtalmique (Fig. 28). Les éléments de cet ensemble sont anastomosés entre eux, ainsi qu’à l’artère faciale (tache vasculaire 

divisent (les vaisseaux) » (p.Ebers 856h. 103, 17b). Les veines satellites supérieures se dirigent vers la veine ophtalmique, les postérieures vers la veine maxillaire interne, et les antérieures vers la veine faciale. Il faut encore signaler que le système veineux des fausses nasales présente de nombreuses anastomoses avec le système artériel, ce qui pour les premiers observateurs comme les médecins égyptiens, pouvaient être déroutant et porter à conclure à un système unique doublé d’une voie transportant une humeur stockée dans des citernes correspondant aux cavités sinusales paranasales : soit, les deux sinus maxillaires, les deux sinus frontaux, les deux sinus sphénoïdaux, et enfin, un nombre variable de sinus éthmoïdaux (ils sont normalement remplis d’air, et ils communiquent entre eux ainsi qu’avec les fosses nasales). Maintenant en externe se trouvent les artères de l’aile du nez et de la sous-cloison, branche de l’artère faciale issue de l’artère carotide externe, ainsi que les veines satellites avec les veines nasales externes qui finissent par rejoindre la veine jugulaire externe. Cependant, je pense qu’en raison du vocabulaire employé (msd.ty), du signalement du mucus (mw) et de ses stagnations possibles dans les sinus (b3), il s’agit bien dans ce texte d’une description des vaisseaux internes. Tout nous indique en effet dans les écrits que les anatomistes du temps prirent le temps d’explorer les cavités naturelles et leurs entourages, et même de suivre les éléments visibles et individualisables d’abord dans les vides osseux ménagés pour les accueillir, ou en les suivant dans l’os avec des moyens instrumentaux.

Il faut encore rappeler que très anciennement, les premiers anatomistes pharaoniques qui avaient bien exploré les fosses nasales et le plancher crânien, conçurent de faire perforer ce dernier au niveau de la lame criblée de l’éthmoïde afin de sortir le cerveau [i] et d’y injecter des résines lors de la momification.

 

 

 

 

                                                                                                                                                                             

 

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« Deux vaisseaux internes sont destinés à sa nuque » (pEbers 856 g. 103,13c-14a ; pBerlin 163 g. 16,1a). En effet, le rachis est parcouru par les artères et les veines vertébrales qui débutent aux niveaux cervicaux (Fig. 25), ainsi que par les spinales ventrales issues de la basilaire et les spinales dorsales au contact du tronc cérébral [ii]. En externe il s’agirait de l’artère occipitale et de la veine occipitale.

vaisseaux sont destinés à son oreille droite … Deux vaisseaux sont destinés à son oreille gauche. » (pEbers 856 g. 103,15c-16c). L’oreille externe est vascularisée principalement par l’artère temporale superficielle et l’artère auriculaire postérieure provenant toutes deux de la carotide externe (Fig. 29-30). Le système veineux aboutit dans la veine auriculaire postérieure et la veine temporale superficielle provenant toutes deux de la veine jugulaire externe. Plus difficile à percevoir, l’oreille interne est vascularisée par l’artère labyrinthique branche de l’artère basilaire. Les veinules aboutissent dans la veine labyrinthique qui rejoint le sinus pétreux inférieur et dans la veine de l’aqueduc de la cochlée qui rejoint la veine jugulaire interne. Je pense qu’il s’agit cette fois dans ce texte de la carotide externe et de la veine jugulaire externe menant aux vaisseaux irrigant l’épaisseur de l’oreille externe.

 

 

 

 

sang des deux yeux » (pEbers 854 c. 99,6c-7b). Les « yeux » (jr.ty), et non pas les paupières (s3 n(y) jr.ty), là encore il ne s’agit pas de la partie externe de l’organe. En effet, « l’intérieur (m-ẖnw) de ses deux tempes (gmḥ.ty) » désigne une partie interne osseuse, qui communique et s’étend au total pour cette formation, du dedans de la portion moyenne du plancher du crâne aux limites latérales externes en arrière que nous appelons maintenant « les deux tempes ». Cette unité anatomique égyptienne, qui correspond donc pour nous, modernes, à une fosse crânienne moyenne avec écaille temporale incluse, comprend donc le sphénoïde.

 

 

                                                                                                                                                                             

 

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Aujourd’hui nous savons que l’artère ophtalmique (Fig. 31-33), qui est une branche de l’artère carotide interne, pénètre dans l’orbite par le canal optique sous le nerf optique (c’est-à-dire entre les deux racines de la petite aile de l’os sphénoïde), et donne ensuite de cela plus en détail : les artères à destinée optique que sont l’artère centrale de la rétine, les artères ciliaires courtes (nerf optique, choroïde), les artères ciliaires longues (iris et corps ciliaire, choroïde). Il faut encore citer les artères ciliaires antérieures (iris) qui sont des branches des artères musculaires. L’artère ophtalmique donne encore les artères à destinées annexielles que sont l’artère supra-orbitaire, les artères ethmoïdales, les artères lacrymales, les artères musculaires et palpébrales ... Le retour veineux est assuré par les veines choroïdiennes qui rejoignent les quatre veines vorticineuses, puis, les veines ophtalmiques supérieures, la veine ophtalmique inférieure et la veine ophtalmique moyenne (les deux dernières sont assez inconstantes). Ces dernières drainent le sang vers le sinus caverneux. Il existe également un drainage péri-orbitaire assuré par la veine angulaire qui deviendra la veine faciale qui se termine dans la veine jugulaire. Plus simplement pour notre texte, il s’agira des artères ophtalmiques droite et gauche, et, des veines ophtalmiques supérieure droite et gauche.

« Deux vaisseaux internes sont destinés à son œil » (pEbers 856g. 103,14c). S’agissant toujours de vaisseaux internes, on peut supposer ici que seuls les deux vaisseaux les plus important situés au plus près des globes oculaires sont évoqués, soit très logiquement : l’artère ophtalmique et la veine ophtalmique supérieure.

 

Si l’on cherche une raison au rapprochement égyptien des yeux avec la région temporale et à propos des vaisseaux y circulant, on peut dire que de chaque côté, l’artère temporale superficielle, qui est l’une des branches de l’artère carotide externe, par sa branche frontale irrigue la paupière (plus la parotide, l’oreille, et la joue). Au sujet de la veine temporale moyenne, nous savons que la branche collatérale volumineuse de la veine temporale superficielle draîne les territoires correspondant à l’artère temporale moyenne et à la branche orbitaire de l’artère temporale superficielle. Elle nait du confluent veineux de l’angle latéral de l’œil et de plusieurs rameaux frontaux, palpébraux externes et sous-orbitaires.

 

 

 

 

                                                                                                                                              

 

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l’humeur aqueuse est composée d’eau en plus grande partie (99,6 %). Également sécrétée par les corps ciliaires, l’humeur vitrée est aussi un gel pour la plus grande partie composée d’eau (98-99 %). Or, l’humeur vitrée située dans le segment postérieur de l’œil est séparée de l’humeur aqueuse par le cristallin en arrière, et qui s’ouvre au niveau de la pupille en avant. L’espace pupillaire est donc un passage obligé de l’humeur aqueuse qui trouve sa source dans les procès ciliaires richement vascularisés des corps ciliaires situés de l’autre côté de l’iris. Il est donc pas faux de dire que « ce sont les pupilles qui donnent cela », puisque c’est l’endroit de l’écoulement dynamique de l’humeur aqueuse dans le segment antérieur de l’œil (Fig. 34) avec un renouvellement toutes les deux ou trois heures (soit 1 à 1,5 % toutes les minutes) [iii]. Si l’on pratique la dissection d’un œil humain ou animal frais, non pas en le coupant à l’équateur, mais en commençant par inciser avec un bistouri une partie réduite de la cornée, on constatera d’abord naturellement l’écoulement d’un liquide : l’humeur aqueuse. Il faudra ensuite délicatement exercer un découpage circulaire complet pour obtenir que la cornée se détache et se présente comme un ver de montre qui correspond à la partie externe de la chambre antérieure. On pourra alors visualiser la partie externe de l’iris et noter que la pupille correspond à un trou central (ronde chez l’homme et ovale chez le bœuf) – et non à une tache noire. On pourra à ce stade entreprendre de réaliser la même section circulaire, mais cette fois-ci au niveau de l’équateur. On recueillera ensuite la partie correspondant à la chambre postérieure pleine d’une substance gélatineuse : l’humeur vitrée. L’on pourra à ce moment très justement conclure que ce liquide ne pouvait provenir, dans la partie avant découpée en premier, que de l’autre côté de l’iris par l’intermédiaire de la pupille, et, sans tenir compte des corps ciliaires, penser que cette eau provenait d’un réservoir postérieur : le corps vitré situé de l’autre côté du cristallin. Nous verrons en ophtalmologie que « le sommeil qui est dans les yeux » dont il est question dans la formulation suivante, est peut-être l’expression qui désignait le glaucome, un excès pathologique d’humeur aqueuse. Même si l’on sait que les anciens égyptiens accordaient à l’œil une importance théologique considérable (reconstitution de l’œil d’Horus … etc.), on ne peut être à cet endroit que confondu par les capacités d’observation et de la préscience dont ont fait preuve les savants pharaoniques.

 

 

 

[i] R.-A. Jean, « Anatomie humaine. La tête et le cou – IV, Atlas anatomique égyptien commenté (2) La tête, ostéologie et parties molles », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Cherbourg, 20 juin 2015, Fig. 13-18 p. 8, et fig. 19 p. 9.

[ii] R.-A. Jean, « Anatomie humaine. Le rachis - I », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Cherbourg, 25 février 2015, p. 6.

[iii] F. Aptel, « Mécanismes de l’écoulement de l’humeur aqueuse », dans J.P. Renard, Er. Sellem, Glaucome primitif à angle ouvert, Société française d’ophtalmologie, emConsult, Elsevier Masson, Paris, 2014.

 

                                                                                                                                                                             

 

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 [i] [ii]

vraisemblablement de taureau si l’on se réfère aux formes classiques. Elle pourrait très bien correspondre également à celle d’un bubale (šs3w ), et ceci, depuis les périodes les plus anciennes. Il s’agit pour le hiéroglyphe d’une représentation latérale (profil). Peut-être plus aisée à percevoir sur la langue pendante d’un animal mort, son insertion maxillaire est marquée par sa partie arrière inférieure et dont l’extrémité de la courbure doit marquer l’insertion sur l’os hyoïde (en horizontal sur la figure basculée), tandis que le petit diverticule supérieur et postérieur (antérieur sur la figure basculée) doit se rapporter au muscle « palato-glosse ». Il est également possible que ce hiéroglyphe ait subi une rotation et une inversion à une époque très ancienne. Si cette hypothèse venait à se vérifier, on trouverait aussi probablement un apex lisse et une base triangulaire (ces éléments ont dû être intervertis entre temps). 

 

 

 

 

                                                                                                                                                                             

 

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 [iv],  [v],  [vi]

Ainsi, nous avons au moins un artefact très représentatif. Cette pièce de forme hémisphérique cérébrale bilobée, montrée encore protégée par la dure-mère, appartient au majordome Senmout (Louvre E 27712). Cette modeste sculpture de la XVIIIe dyn. a été taillée dans un petit bloc en calcite à veines rouges (Fig. 38-39), en prenant bien soin de faire coïncider une unique et étroite bande colorée avec la partie centrale. Cette zone naturelle délimite ainsi deux côtés clairs dans le sens de la longueur. La partie inférieure n’est pas plane, mais arrondie sur toute la circonférence ovalaire. Les deux hémisphères sont notés séparés d’avant en arrière, avec dans la partie superficielle haute, c’est-à-dire en haut de ce qui figure la « scissure inter-hémisphérique », la très juste visualisation du « sinus sagittal supérieur » (longitudinal supérieur) longeant le « bord supérieur de la faux du cerveau » (abordable chez l’enfant au niveau de la fontanelle antérieure), et qui, en quelque sorte, signe le profil cérébral de cette réalisation. Le « sinus transverse » est situé en bas. Il s’agit d’un dispositif sanguin veineux communiquant.

Le matériau utilisé pour réaliser ce modèle viscéral a été visiblement été choisi pour imiter la surface cérébrale parcourue par des vaisseaux sanguins. En effet, l’incisure naturelle, offrant le passage à la veine minérale rouge, laisse apparaître de petites courbures sur un bord prolongées par de petites ombres sinueuses de chaque côté. Elles sont au total à interpréter comme des reliefs profonds d’amorces de circonvolutions dans leurs abords sagittaux. D’autres exemples de calcite à veines rouges, visualisés in situ dans les sites naturels de gisements, en donnent des aspects saisissant de réalisme. D’où très certainement le choix de ce matériau inhabituel, circonvultionné et semblant vascularisé, réalisant de cette manière une cryptographie minérale (Fig. 40-41).

 

 

 

 

                                                                                                                                                                             

 

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Pour les vascularisations cérébrales, nous avons déjà évoqué le « sinus longitudinal » et le « sinus transversal » qui drainent le cerveau. Chez le très jeune enfant, le « sinus longitudinal » est en rapport avec les fontanelles antérieure et postérieure [vii]. Ces dernières sont pulsatiles en raison des vaisseaux sous-jacents issus des artères cérébrales antérieure, moyenne, et postérieure bilatérales. Ainsi, les

 

 [viii]

 

 

                                                                                                                                                                             

 

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Chez le nouveau-né en effet [ix], les cinq os de la voûte crânienne (calvarium) ne sont pas encore complètement réunis. Dans la mesure où ils procèdent tous d’une ossification de membrane (tissus conjonctif embryonnaire), et qui débute progressivement en tâches d’huile (points d’ossifications irradiant) au cours de la neuvième semaine de la vie du fœtus, ils ressemblent en effet à des « écailles » correspondant pour nous aux « bosses » frontales et pariétales – et auxquelles les Égyptien devaient rattacher les écailles temporales, sphénoïdales et occipitale. Tous ces éléments ne tarderont pas à évoluer afin de rejoindre la base du crâne et le massif facial. Ils sont donc encore séparés au moment de la naissance par des présutures membraneuses, simplement dénommées chacune à leurs jonctions, et

sensible du sommet (du crâne) d’un enfant (tant que - cette partie) n’est pas aboutie », est pulsatile à son travers au moment de la palpation au doigt (p.Smith C 6. 2,21). J’en reparlerai en obstétrique.

 

 [x][xi] 

 

 

 

Je joindrai déjà ici deux schémas anatomiques. Le premier (Fig. 43) montre le retour veineux sinusal imprimé en relief central et longitudinal négatif dans la calotte osseuse : il s’agit du sillon du sinus sagittal supérieur dont les bords servent d’attache à la faux du cerveau et loge le sinus sagittal supérieur. Il est accompagné en périphérie d’autres gouttières avec leurs ramifications : ainsi lartère méningée moyenne qui est une volumineuse branche collatérale ascendante de l’artère maxillaire vascularise une grande partie de la dure-mère en creusant des sillons au niveau de la table endocrânienne de la voûte crânienne en formant les nervures de la feuille de figuier dessinées par les rameaux frontal, orbitaire, pariétal et pétreux. Le deuxième schéma (Fig. 44) correspond à un montage montrant les parcours des sinus veineux au plus près du cerveau lui-même avancé en avant.

 

 

                                                                                                                                                                             

 

22

 

 

 

 

 

 

 

 

Les quatre autres schémas anatomiques montrent les sinus veineux avec les veines anastomotiques, ainsi que les artères principales. J’ajoute un aperçu du polygone de Willis et du polygone veineux situés à la base du cerveau. En effet, nous savons aujourd’hui que le cerveau est bien vascularisé par trois artères de chaque côté : les artères cérébrales antérieures, moyennes (artères sylviennes), et postérieures. Le polygone de Willis, lui, est constitué par l’artère communicante antérieure qui relie les deux carotides internes, et, par les artères communicantes postérieures qui relient les carotides aux vertébrales (par l’intermédiaire, en avant de l’origine des artères cérébrales antérieures, et en arrière du tronc basilaire et de l’origine des artères cérébrales postérieures). Le tronc basilaire est issu de la fusion des deux artères vertébrales. Cette intercommunication limite le risque d’AVC.

 

 

                                                                                                                                                                             

 

23

 

Les chirurgiens avaient l’occasion de remarquer les sinus et les gouttières vasculaires osseuses internes lors des fracas crâniens, notamment les médecins militaires au cours des grandes batailles.

 

 

 

 

 

 

 

Nous savons que les modèles cérébraux animaux n’étaient pas inconnus, puisque par exemple des têtes de bovidés figurent bien dans les listes et dans les représentations d’offrandes aux défunts. Comme aujourd’hui, elles devaient être brisées et évidées par le boucher avant consommation de la cervelle de veau, de mouton etc. L’organe extrait était également utilisé dans la pharmacopée, avec par exemple de la cervelle de bovins, de porc, d’oie, de silure, de synodonte, de grenouille, de salamandre.

 

 


 

[i] Wb II, 320, 8-17 ; Lefebvre 1952, § 20 p. 19 ; Lacau 1970, § 155-159 p. 62-63 ; Alex. 77.2192, 782218 « langue » ; Walker 1996, p. 271 « tongue » (langue) ; Hannig-Wb I & II,1 - 16376 « Zunge » (langue) ; PtoLex. p. 543 « tongue » ; KoptHWb p. 80 ; Vycichl 1983, p. 99, ⲗⲁⲥ SBO, ⲗⲉⲥ AFL, « langue ». Labat 1976, n° 32 p. 55, néo-babylonien lišānu « langue ». Sander-Trenel 1979, p. 329, hébreux lāšōn « langue », et chaldéen lōšān « langue ». Reig 1999, n° 4366,2 lisān « langue ».

[ii] R.-A. Jean, op.cit. 27 mai 2015, p. 19-20. — , « La place du cœur dans les anthropologies égyptienne et comparées. Perspective médicale », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Cherbourg, 3 juin 2013, 2. Anthropologie comparée, tableau 5, voir aussi la note 17 pour la Bible. — , « Anatomie humaine. La tête et le cou – IV, Atlas anatomique égyptien commenté (2) La tête, ostéologie et parties molles », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Cherbourg, 20 juin 2015, p. 29-31.

[iii] R.-A. Jean, « Autour du cerveau. Anatomie, physiologie », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Cherbourg, 17 juin 2013 ; — , « Autour du cerveau. Clinique médicale. Clinique chirurgicale », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Cherbourg, 18 juin 2013 ; — , « Autour du cerveau. Chirurgie. Pharmacologie. Théodynamie », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Cherbourg, 19 juin 2013 ; — , « Le cœur cérébral en Égypte ancienne », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Cherbourg, 27 juin 2013 ; — , « Le cerveau cardial en Égypte ancienne », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Cherbourg, 29 juin 2013 ; — , « Anatomie humaine. La tête et le cou – II, Ostéologie et parties molles », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Cherbourg, 27 mai 2015, p. 16-19 ; — , « Anatomie humaine. La tête et le cou – IV, Atlas anatomique égyptien commenté (2) La tête, ostéologie et parties molles », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Cherbourg, 20 juin 2015, p. 26.

[iv] Wb I, 2,10 ; Grundriss I, p. 27-28 ; Lefebvre 1952, § 11 p. 11-12 ; FCD, p. 1 « viscera », ȝjs n ḏnnt « brain » (cerveau) ; Walker 1996, p. 265 « internal organs, viscera » ; Hannig 1995, p. 2 « Gehirn (Menschen, Tiere) » (cerveau : des humain et des animaux).

[v] Wb I, 186,14-15 ; Grundriss I, p. 28 n 4 ; Lefebvre 1952, § 11 p. 13 ; FCD, p. 43 « brain » ; Walker 1996, p. 267 « brain » ; Hannig-Wb II,1 - 5205 « Körperteil (im Kopf von Tieren ; Gehirn) » . Ce terme a été interprété comme les entrailles du pélican offertes à ces oisillons, mais, il pourrait aussi se comprendre dans ce contexte par « exiger un cerveau » afin « d’acquérir le formulaire » (CT III, Sp. 243 (331a) = Carrier I, p. 592-593 ; Barguet p. 133). Il pourrait alors provenir du mot ʿm « savoir, comprendre » (Wb I, 184, 16-21). Voir cependant : D. MeeksDictionnaire, Fascicule 1, Montpellier, juillet 2010 (Édition confidentielle CNRS – UMR 5140), dans 3js « remarque » pour ʿmm p. 7.

[vi] Wb V, 262,1 ; Grundriss I, p. 20 et 28 ; Lefebvre 1952, § 11 p. 3 ; Alex. 78.4544 « le cerveau » ; Walker 1996, p. 278 « brain  » ; Hannig-Wb II,2 - 36697 « Knochenmark » (moelle osseuse). Westendorf 1999, I, p. 133 pRam V XVIII « Knochenmark des Rindes » (moelle osseuse de bœuf). Il pourrait peut-être aussi s’agir du tronc cérébral suivi de la moelle épinière.

[vii] R.-A. Jean, « Clinique obstétricale égyptienne – XXII . L’enfant à naître (2) Les petits modèles divins (1) Les scarabées », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Paris, 5 novembre 2018, p. 11-18.

[viii] Wb II, 356,12 ; Grundriss I, p. 28 ; Lefebvre 1952, § 11 p. 13 ; Alex. 77.2250 « membrane (enveloppant le cerveau), dure-mère » ; Walker 1996, p. 271 « intracranial diaphragm i.e. falx cerebri, falx cerebelli » ; Hannig 1995, p. 442 « Membran, ‘Haut’, Fell, Hirnhaut ».

[ix] R.-A. Jean, « Anatomie humaine. La tête et le cou – I, Ostéologie et parties molles », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Cherbourg, 25 mai 2015, p. 2-3.

[x] Wb I, 297,10 - 298,5 ; Lefebvre 1952, § 10 p. 11 ; Lacau 1970, § 74 p. 35 et 416 p. 153 ; Alex. 77.0894, 78.0936, 79.0646 « sommet de la tête » ; Walker 1996, p. 268 « 1. Parting of the hair ; 2. Crown of the head . The entire parietal region of the cranium ; i.e. the two parietal bones and the intervening sagittal suture » (1. Séparation des cheveux ; 2. Couronne de la tête ; La région pariétale du crâne; c’est-à-dire les deux pariétaux et la suture sagittale) ; Hannig-Wb I & II,1 - 7265 « Scheitel (d. Menschen) » (Vertex - des gens) ; PtoLex. p. 227 « top of head » (dessus de la tête) ; Cauville 1997, III, p. 115 « Le front ». Il s’agit en fait de l’endroit, non pas de la dépose circulaire des couronnes, mais du point idéal d’où elles se dressent, comme une plume (au sommet).

[xi] Wb 1, 346,1 ; Lefebvre 1952, § 10 p. 12 ; FCD, p. 65 « crown of head » (sommet de la tête) ; Hannig 1995, p. 208 « Schädeldecke ; Scheitel 3htn ẖrd Fontanelle » (crâne ; apex 3htn ẖrd fontanelle) ; Walker 1996, p. 268 « crown of the head, bregma ».

 

                                                                                                                                                                             

Suites de l'article

                                                                                                                                                                             

 

• Richard-Alain JEAN, « Le cœur, les poumons, et les vaisseaux, 4 – Anatomie égyptienne des vaisseaux », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Paris, 15 avril 2024  (75 pages pdf/papier) :

Ⓐ - Introduction ( = p. 1-11 only)

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Ⓑ - Tête et cou ( = p. 12-24 only)

= Votre lecture en cours

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Ⓒ - Tronc ( = p.  24-54  only)

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Ⓓ - Membres supérieurs ( = p. 54-68 only)

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Histoire de la médecine en Egypte ancienne (ISSN 2270-2105)
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