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Histoire de la médecine en Egypte ancienne (ISSN 2270-2105)

Anatomie égyptienne des vaisseaux Ⓐ Introduction ( = p. 1-11 only )

Article complet du lundi 15 avril 2024 Ⓐ  :

Coeur, poumons, vaisseaux - 4

 

 

 

• Richard-Alain JEAN, « Le cœur, les poumons, et les vaisseaux, 4 – Anatomie égyptienne des vaisseaux », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Paris, 15 avril 2024 Ⓐ : Introduction.

( = p. 1-11 only)

 

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LE CŒUR, LES POUMONS, ET LES VAISSEAUX

4 – ANATOMIE ÉGYPTIENNE

DES VAISSEAUX

 

 

Richard-Alain JEAN

 

 

Cette partie transversale résume et complète plusieurs passages sur la vascularisation puisés dans d’autres de mes travaux antérieurs. Aussi par commodité de lecture, je rassemble ici des textes médicaux ou religieux, des conclusions anatomiques, et des figures renseignées, que nous avons déjà en partie évoqués à l’occasion des différentes études menées à propos des grandes parties du corps humain que sont : la tête avec les organes des sens, le tronc avec le thorax et l’abdomen y compris les viscères, puis les membres inférieurs et les membres supérieurs. C’est ainsi que nous suivrons les vaisseaux sanguins, et parfois d’autres « canaux-métou » les croisant afin de les en différencier, et le tout, selon la notion et la perspective égyptienne pharaonique, puis, la réalité accessible à l’observation pratique en adoptant les mêmes moyens que ceux accessibles aux savants de cette époque, afin de les comparer avec les connaissances modernes.

Je conserverai également dans ce rappel, et afin de l’enrichir, le même plan que celui adopté pour les précédentes investigations. À savoir pour commencer : la définition de l’ensemble organique constitutif des vaisseaux sanguins, les désignations égyptiennes anciennes avec pour chacune leur étymologie, puis la paléographie égyptienne comparée avec une autre voisine, celle du cunéiforme. En suite de cela, les représentations des pièces anatomiques humaines et animales seront abordées, comme la notion de saignement. Enfin, les différents textes afférents seront repris dans une suite logique.

 

                                                                                                                                                                     

 

2

 

Les vaisseaux

 

Les médecins pharaoniques s’attachèrent ensuite à citer au moins les plus gros des vaisseaux sanguins, c’est-à-dire des formations tubulaires internes, des « canaux » sanguins, et les donnaient tous comme des mtw « métou », cheminant en compagnie d’autres différentes formations mtw pleines ou creuses qu’ils chevauchaient. Les vaisseaux sanguins les plus importants sont bien dits abouchés au cœur. Les textes indiquent à quelles parties corporelles importantes ils sont destinés. Nous verrons aussi que plusieurs de leurs ramifications avaient également été comprises. Cependant, aucun écrit ou atlas égyptien purement anatomique n’a encore été découvert. Nous trouverons plutôt pour le moment ces informations dans des traités médicaux et chirurgicaux, où se mêlent des éléments anatomiques, physiologiques, pathologiques, et thérapeutiques. Il faudra les en extraire.

 

1. Désignations

 

Il existe plusieurs désignations lexicographiques pour nommer les vaisseaux en ancien égyptien. Toutefois, le tout premier, bien que non spécifique, mt, plur. mtw, est le plus souvent rencontré dans les textes médicaux ou dans d’autres écrits ayant une valeur indicative naturaliste. Il faut en ajouter d’autres avec la notion de sšmt « système conducteur », dont des šrtyw « plexus veineux », et encore, le šspw « le récepteur » qui correspond très probablement à l’importante artère aorte. Les dénominations ou périphrases différentes que nous pourrions rencontrer ça et là correspondent à des perspectives plus religieuses sur lesquelles je ne m’attarderai pas pour le moment, sauf si une nouvelle définition venait à nous apporter quelques précisions dans le domaine de la cardiologie.

 

1.1. Les « vaisseaux » mtw (métou)

Festschrift E. Edel, Bamberg [s.d.], p.79 ri. 86, « nerfs, ligaments » ; Alex. 79. 1402 « vaisseau (sanguin) », (rwḏ/w3ḏ/nḏm mtw.k) « nerf, ligaments » ; Hannig-Wb II,2 – mt 14196 « Hohlgefäß (mit Luft, Blut, WasserSame, Schleim, Kot od. Harn) ; Ader etc. » (Organe creux (contenant de l’air, du sang, de l’eau, du sperme, du mucus, des matières fécales, ou, de l’urine, etc.) ; Veine etc.) ; PtoLex. mtwt p. 474 « vessels, veins » (vaisseaux, veines) ; Erichsen 1954, p. 184, dém. mt « Gefäß, Muskel masc. »  (vaisseau, muscle) ; KoptHWb p. 104 ⲙⲟⲩⲧ S, A2, B « bande, vaisseaux, tendons, articulations » … ; Takács 2008, 48-63, p. 698-703.

Lefebvre 1952, § 7 p. 8-9. Grapow, Grundriß, I, 1954, p. 85. Lacau 1970, § 253 p. 97, § 211 p. 81. Walker 1996, p. 270 « Anatomical conduit. Generic term for any bodily conduit; hence, mt can refer to rectum, ureter, blood vessel, windpipe, etc. » (Conduit anatomique. Terme générique désignant tout conduit corporel ; par conséquent, mt peut faire référence au rectum, à l’uretère, aux vaisseaux sanguins, à la trachée, etc.). Nunn, 1996, p. 44-49, 222 « vessels, duct, tendons, muscles, etc. ». Nyord, CNI P 37, 2009, mt « conduit » p. 227 (3.19.4), et plur. mtw. p. 489. B. Mathieu, « Et tout cela exactement selon sa volonté. La conception du corps humain (Esna n° 250, 6-12) », dans A. Gasse, Fr. Servajean, Chr.Tiers (éd), Et in Ægypto et ad Ægyptum. Recueil d’études dédiées à Jean-Claude Grenier, CENIM, 5, Montpellier 2012, p. 501 « vaisseaux, muscles, ligaments, etc. ».

 

                                                                                                                                                          

 

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1.2. Le « système conducteur » sšmt (sechemet)

1995, p. 115 ; Hannig 1995, p. 764, « [med] Leitung (d. Gefäßsystems) » ([médecine] conduit (du système vasculaire)). Westendorf 1999, 2, p. 698, note 251, « Die Leitungen (= Gefäße) des Menschen » ((ensemble) des canalisations (tuyaux) des vaisseaux sanguins des hommes) ; R-A. Jean, A.-M. Loyrette, 2010, p. 58 « système conducteur ». Il s’agit ici du système vasculaire général transporteur du sang dans le corps humain.

 

1.3. Le « plexus veineux » štyw

Hannig-Wb II,2 - 33680 : štjw « Kreuzgeflecht (von Adern) » (ensemble croisé (de veines)). Bardinet 1992, p. 127-128, 212 ; 1995, p. 363 « partie superficielle » ; Walker 1996, p. 276 « ? venous plexus » (plexus veineux ?) ; Westendorf, 1999, 1, p. 133 « Kreuzgeflecht-Gefäss » (plexus vasculaire) ; R-A. Jean, A.-M. Loyrette, 2010, p. 58, 401, 405, fig. 12, p. 61 « partie superficielle / réseau veineux sous-cutané ». En anatomie, nous savons que le réseau artériel est profond, et, que le réseau veineux est superficiel. Il s’agit donc d’un réseau veineux évoluant par exemple à la surface de la cuisse (pEbers 856d. 103,7-8) et où elles peuvent former des varices (pEbers 873. 108,14b). Δ ≠ d’avec une formation artérielle (anévrisme) : une telle formation « ne bat pas », alors que l’autre est pulsatile à la palpation. Les retours veineux principaux correspondent à la veine cave supérieure et à la veine cave inférieure répondant à un grand plexus veineux anastomosé. Il s’agit également d’une partie anatomique superficielle où se trouvent différents vaisseaux, artériels et veineux, par exemple au niveau du sein (pEbers 856c. 103,3c-4a).  

 

1.4. Le « récepteur » šspw

le nom est ‘le récepteur’ », lit. « un vaisseau, ‘ le récepteur ’ est son nom ». Wb IV, 535,1 ; Alex. 77.4287 (comme nom d’une artère du cœur) ; Hannig 1995, p. 836 « Empfänger (e. Arterie des Herzens) » (destinataire, récepteur) ; KoptHWb p. 561 ϣⲟϣⲡⲓ « Magen » (estomac). Ce vaisseau est perçu comme « celui qui reçoit », il s’agit d’une très importante artère recevant le sang du cœur jb, et donc de l’aorte. La phrase suivante indique que c’est celui-là qui alimente le cœur ḥ3ty, il pourrait donc s’agir aussi d’une artère myocardique – ou bien, pour la seconde proposition (99, 19b) des veines caves qui apportent le sang au cœur. Cependant, cela irait à l’encontre de l’étymologie de son nom même (Cf. supra, p. 4), et nous avons eu l’occasion de voir que les Égyptiens avaient bien observé certains éléments de la physiologie cardiorespiratoire. Et puis également, les autres parties du grand jb, à la valeur corporelle plus large, semblent indirectement être irriguées à partir de ce vaisseau si important, ce qui est encore un argument en faveur de l’aorte. Les autres arguments sont cliniques.

                                                                                                                                                          

 

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1.5. Étymologies

 

[i]

[ii].

En ce qui concerne les vaisseaux sanguins, il faut distinguer dans l’analyse clinique des textes médicaux pharaoniques :

• Les mtw en tant que veines : pour cette distinction clinique, je renvoie à Jean, Loyrette, 2010, p. 256, et notes b et c ; Jean, 14 mars 2014, p. 11-14 ; ici même, p. 8, 18, 59, et appareil par appareil.

• Les mtw en tant qu’artères : connus par les médecins à chaque endroit où l’on peut prendre le pouls, je renvoie à Jean, Loyrette, 2004, p. 367-368 ; Jean, 14 mars 2014, p. 11-14 ; et ici même, p. 8.

• Pour les modèles animaux : je renvoie à Jean, 14 mars 2014, p. 12-13 ; et ici même, p. 9-11.

 

Le « sšmt ». — Ce terme provient du verbe sšm « conduire », « guider », « amener » … et qui a donné le mot sšm « guide » : voir par exemple Sšmwt « Celle qui guide » en parlant de l’uraeus (Dandara VIII). Il s’agit ici d’un collectif désignant une suite de contenants tubulaires corporels, d’un « système (charnel) » « conduisant » un élément liquide organique (du sang).

 

Le « štyw ». — Cette expression rappelle le mot št3 désignant des branchages, des taillis, des broussailles, en raison de leurs divisions successives, et qui peuvent encore se croiser les uns les autres, les troncs dont ils sont issus étant situés plus profondément. Cet aspect qui correspond aux anastomoses veineuses est bien visible directement sous la peau, c’est-à-dire dans une partie superficielle.

 

 

 

[i]

 

[ii] Notions que nous avions déjà établies : Jean, Loyrette, 2001, p. 542.

                                                                                                                                                          

 

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2. Paléographie

 

2.1. Le cunéiforme

 

 [i] [ii],  [iii] [iv]

En ce qui concerne un rapprochement étymologique avec l’égyptien, il faut noter que le SA sumérien a aussi d’autres traductions possibles en akkadien, avec par exemple kiššu pour un « fagot de roseaux », cette expression rappelle le mot égyptien št3 désignant des branchages que nous avons vu à propos du mot štyw (Cf. supra, p. 4). Voir encore les termes irru « boyau », et šētu « toile ». SA est également un terme qui désigne la corde. Barbara Böck [v] pense que pour le médecin Mésopotamien, le corps humain était composé, d’une part d’une sorte de système en forme de toile un peu grossière, les SA « a cord-like system » et donc composé d’une multitude de cordages, et d’autre part, de tissus mous (šīru).

On trouvera une comparaison entre le pénis et une corde avec la formule : « Biggs šà.zi.ga rit » « Que mon pénis soit [comme] la corde de la lyre, qu’il ne sorte pas d’elle » (LKA 101r.(!)15) [vi].

 

 

 

 

Enfin, pour un exemple de rapprochement clinique avec la médecine égyptienne, je citerai simplement ici la suite pronostique d’une tablette gynécologique : « Šumma (diš) alittu (tu) šer’â(sa) tulîšu (ubur-šâ) šú-šú-ru sinništa (mí) arât (peš4-at) » « Si les šer’ānu des seins de la femme enceinte sont rectilignes, elle est enceinte d’une fille » (TDP 204, 49 = DPS 36 49) [vii] ; « Šumma (diš) alittu (tu) sâm (sa5) arda (ìr) arât (peš4-at) » « S’ils sont rouges, elle est enceinte d’un esclave (TDP 204,50) ; « Šumma (diš) alittu (tu) mu-uḫ tulîša (ubur-šá) šer’â(sa-meš) sâmû (sa5-meš) pur-ru-ku sinništa (mí) arât (peš4-at) » « Si, des šer’ānu rouges barrent le haut de la  poitrine de la femme enceinte, elle est enceinte d’une fille » (TDP 204, 52) ; « Šumma (diš) piṣû (ud)-meš) pur-ru-ku la (nu) išariš (si-sá) arât (peš4-at) » « S’ils sont blancs elle est enceinte de façon anormale » (TDP 204, 54.) ; « Šumma (diš) arqû (sig7-meš) pur-ru-ku ša libbiša (šà-šà-šà) la (nu) ušteššer (si-sá) » « Si ils sont verts-jaunes, (en ce qui concerne) l’enfant qu’elle porte l’accouchement sera difficile » (TDP 204, 55). Comparer avec le pKahun (26. 3, 12-14) et le pBerlin (196. vs. 1, 9-11) : R.-A. Jean, A.-M. Loyrette, La mère, l’enfant et le lait en Égypte Ancienne. Traditions médico-religieuses. Une étude de sénologie égyptienne (Textes médicaux des Papyrus du Ramesseum n° III et IV), édité par Sydney H. Aufrère, Collection Kubaba – Série Antiquité – Université de Paris 1, Panthéon Sorbonne, L’Harmattan, Paris, 2010, p. 256-263, et fig. 59 p. 265.

 

 


 

[i] R. Labat, Manuel d’Épigraphie Akkadienne, P. Geuthner, Paris, 1976, n° 104 p. 87 ; D.A. Foxvog, Elementary Sumerian Glossary, 2016.

[ii] CAD (Š/2, 308b).

[iii] eBL.LMU : šer'ānu I, also šir'ānu, also šir'ānum, šer'ānum « vein, artery ; ligament, tendon ; nerve » [SA(.A)] in human and animal body ; « sinew » for bow, armour, musical instrument (https://www.ebl.lmu.de/dictionary/šer'ānu%20I/edit). J. Black, A.R. George, N. Postgate, A Concise Dictionary of Akkadian, Second (corrected) printing, SANTAG Arbeiten und Untersuchungen zur Keilschriftkunde, 5, Harrassowitz, Wiesbaden, 2000, p. 367.

[iv] Puis, voir également : uzuSA-A ; šerʾānu (Sehne, Blutgefäß) ; CD 367a CAD Š/II 309a.

[v] B. Böck, « “When You Perform the Ritual of « Rubbing »”: On Medicine and Magic in Ancient Mesopotamia », JNES, 62, 1, 2003, p. 1‐16. Das Handbuch Mussu’u « Einreibung » Eine Serie sumerischer und akkadischer Beschwörungen aus dem 1. Jt. v.Chr., Winona Lake, Eisenbrauns, coll. BPOA, 3, 2007. The Healing Goddess Gula. Toward an Understanding of Ancient Babylonian Medicine, coll. Culture and History of the Ancient Near East, 67, Brill, Leiden, 2014, p. 27-30.

[vi] A. Attia, « A propos de la signification de ser’ânu dans les textes médicaux mésopotamiens : une question d’anatomie », Histoire des Sciences Médicales, 34, 1, 2000, 48.

[vii] A. Attia, « A propos de la signification de ser’ânu dans les textes médicaux mésopotamiens : une question d’anatomie », Histoire des Sciences Médicales, 34, 1, 2000, p. 52-53.

[viii] R. Labat, Manuel d’Épigraphie Akkadienne, P. Geuthner, Paris, 1976, n° 69 p. 67 ; J. Black, A.R. George, N. Postgate, A Concise Dictionary of Akkadian, Second (corrected) printing, SANTAG Arbeiten und Untersuchungen zur Keilschriftkunde, 5, Harrassowitz, Wiesbaden, 2000, p. 429.

[ix] A. C. Heinrich, Poem of Creation (Enūma eliš), Chap. IV, 2021. B.R. Foster. Before the Muses. An Anthology of Akkadian Literature (3rd Aufl.), Pennsylvania State University Press, Bethseda, 2005, p. 436-486.

                                                                                                                                                          

 

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2.2. Le hiéroglyphique égyptien

 

Il n’y a pas de signe spécifique montrant un vaisseau sanguin comme par exemple pour le cœur (F 34), les poumons (F 36), ou encore par exemple les intestins (F 46 - F 49). Cependant, le signe principal rentrant en composition des différentes graphies représente un phallus humain (D 52) comme je l’ai déjà indiqué dans l’étymologie (Cf. supra, p. 3). En effet, celui-ci représente bien un « tube » « creux » susceptible de « conduire » du liquide comme le montre bien une variante émettrice (D 53). Pour le phallus, voir : R.-A. Jean, « Anatomie humaine. Le bassin – VI. L’appareil génito-urinaire de l’homme et Atlas (1ère partie) », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Angers,19 mai 2016.

 

 

3. Les pièces anatomiques

 

3.1. Les représentations humaines

 

Nombre de scènes militaires montre ostensiblement la mise en œuvre de l’utilisation d’armes coupantes ou contendantes par le pharaon, les soldats du roi, et les ennemis : elles sont toute susceptibles de rappeler à l’observateur de graves effusions de sang provoquées par la rupture de vaisseaux sanguins atteints. Les soldats blessés ou atteints par des flèches saignaient (Fig. 5). Les poitrines et les cœurs prélevés chez les ennemis sont représentés saignants (Fig. 1 et 6). Les organes coupés, comme le nez, ou les oreilles, les mains, et les empalements des condamnés [i], provoquaient des flux sanguins importants.

 

 

 

 

                                                                                                                                                          

 

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Les mains et les phallus des ennemis tranchés sur le champ de bataille (Fig. 7-9) pouvaient également saigner quand le sujet était amputé en état de mort apparente.

 

Enfin en chirurgie, les médecins et les chirurgiens avaient très bien repéré les causes de saignement. Voir par exemple [ii] :

 

pEbers 876. 109, extrait 13c-16a

 

Commentaire — L’incision provoquant une hémorragie est cautérisée par la chaleur dont l’effet secondaire est soigné avec un onguent comme le fait un spécialiste (s3 ḥmm). Aujourd’hui encore l’ablation des varices dues à une stase veineuse (sft n mt / sf n mtj) [iii] reste un traitement de choix afin d’en éviter les complications [iv].

 

 

[i] Voir par exemple à ce sujet : O. Beauregard, « La justice et les tribunaux dans l’ancienne Égypte », Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris, IV° Série. Tome 1, 1890. p. 716-735 ; — « La Justice et les Tribunaux dans l'ancienne Égypte (suite) », Bulletins de la Société d’anthropologie de Paris, IV° Série. Tome 2, 1891. p. 86-110. P. Vernus, Affaires et scandales sous les Ramsès, Edition Pygmalion, Paris, 2009, p. 29.

[ii] R.-A. Jean, À propos des objets égyptiens conservés au Musée d’Histoire de la Médecine, Université Paris V, Paris, 1999, p. 57.

[iii] R.-A. Jean, A.-M. Loyrette, « À propos des textes médicaux des Papyrus du Ramesseum nos III et IV, II : la gynécologie (1) », dans S.H. Aufrère (éd.), Encyclopédie religieuse de l’Univers végétal (ERUV III), OrMonsp XV, Montpellier, 2005, p. 372 – Accès gratuit sur ACADEMIA, ou sur YouScribe : http://medecineegypte.canalblog.com/pages/pharmacopee-generale/26004319.html.

[iv] V. Crébassa, O. Hartung, « Recommandations et indications thérapeutiques des traitements interventionnels des varices des membres inférieurs », dans Y Alimi, V. Crébassa, O. Hartung, Veines superficielles et profondes des membres. Traitements endoveineux et chirurgicaux, Elsevier Masson, Paris, 2023.

 

 

                                                                                                                                                          

 

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3.2.1. Les vascularisations internes et externes

 

Les vascularisations internes répondent aux trajets les plus profonds de la tête, du tronc, et des membres. Elles sont constituées des réseaux artériels et veineux, les artères étant accompagnées d’un double réseau veineux, sauf pour les très gros vaisseaux centraux comme l’aorte ou les veines caves.

Les vascularisations externes correspondent aux trajets les plus superficiels de la tête, du tronc, et des membres. Elles sont constituées des réseaux artériels et veineux. Le réseau artériel étant normalement également accompagné d’un double réseau veineux, dont, des réseaux veineux plus visibles sous la peau.

 

Le réseau artériel superficiel

 

         Les gros réseaux artériels sont en grande majorité situés dans les plans profonds, sauf à certains passages anatomiques superficiels où des ramifications sont palpables. J’ai souvent signalé que les médecins égyptiens avaient compris que le cœur s’exprimait au travers des artères, et que ce phénomène était perceptible aux praticiens pharaoniques avec l’examen de différents pouls. En effet, les vaisseaux sanguins étaient vus comme des tubes creux remplis de sang parcourant les différentes parties du corps en allant d’un point éloigné jusqu’au muscle cardiaque, et aussi en partant, dans la mesure où l’on peut observer des jets pulsatiles artériels à la section d’un membre. Les pouls appréciés par le professionnel se rapportent aux artères puisque le cœur (haty) « parle devant les metou de chaque endroit du corps », depuis la « place » où il est ausculté, sa parole se propage ; la guetter aux points éloignés permet au médecin d’en avoir des nouvelles, et aussi de savoir si les organes distants en bénéficient d’une manière biologique (résultantes locales). Il en découle une certaine tension, je dirai, essentielle (ou tonicité vitale), par exemple connue par les Égyptiens d’une façon défective avec « l’atonie » mentionnée dans les textes à propos de l’enfant très déshydraté avec signes cardiaques « le cœur affaibli, les lèvres livides, les genoux sans force » = résultante locale et reflet d’un effondrement général (pRamesseum. III. B, 23-34) [1].Cette « atonicité » générale, correspond à une diminution de la tension artérielle [2]. La prise des pouls périphériques s’effectue le plus souvent aux 

 

 

                                                                                                                                                          

 

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3.2. Les représentations animales

 

Nous avons vu que le départ des gros vaisseaux abouchés au cœur sont figurés dans plusieurs organes détachés libres, et que ceux-ci sont souvent représentés en blanc, comme au naturel. Se reporter à : R.A. Jean, « Le cœur, les poumons, et les vaisseaux, 2 – Anatomie égyptienne du cœur », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Paris, 1er septembre 2023, p. 25-27.

On peut trouver dans des scènes de boucherie l’individualisation manuelle par l’opérateur d’un gros vaisseau thoracique profond (Fig. 10). Dans la très grande majorité des cas, les différents « conduits » sont symbolisés par un seul montré dépassant de la section du cou de l’animal abattu en boucherie (Fig.11-15). Le sang qui s’écoule des gros vaisseaux, trahit leur présence après avoir été tranchés par le boucher (Fig. 16-18). Au moment de l’abattage, l’on peut parfois observer dans certaines très bonnes représentations, des jets pulsatiles provenant des artères carotides (Fig. 16-17 et 18-19), ainsi que des écoulements en nappe issus des veines jugulaires des animaux (Fig. 18-19). Le sang est soigneusement recueilli au plus près des plaies de l’encolure dans de grands récipients (Fig. 20-21). Il n’est pas improbable que les observateurs avertis de ce temps aient remarqué la différence de teinte entre un sang artériel et un sang veineux [3] (Fig. 22-23).

Les scènes de chasse représentent le pendant animal des scènes de guerre dont il a été question plus haut.

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                                                                          

 

10

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                                                                          

 

11

 

 

 

 

4. Les textes et les objets

 

Afin d’assurer une lecture anatomique suivie, et pour mieux permettre au lecteur de comprendre le schéma général des gros vaisseaux en anatomie pharaonique, je reprendrai ici déjà simplement les principaux éléments que j’ai déjà publiés dans les études précédentes, et parfois en les augmentant. En effet, les textes des papyrus médicaux qui nous ont été conservés ne nous donnent pas de listes continues, mais des indications éparses qu’il nous faudra rassembler et classer selon un ordre logique.

Le tableau de la fig. 24 ci-dessous montre par exemple, d’une part l’ordre adopté par le scribe du Papyrus Ebers en fonction des sections insérées provenant des différents vadémécums, recueillies, et consignées dans le nouveau texte établi, et, d’autre part, un ordre anatomique.

 

 

 

 

                                                                                                                                                                             

Suites de l'article

                                                                                                                                                                             

 

• Richard-Alain JEAN, « Le cœur, les poumons, et les vaisseaux, 4 – Anatomie égyptienne des vaisseaux », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Paris, 15 avril 2024 (75 pages pdf/papier) :

Ⓐ - Introduction ( = p. 1-11 only)

Cliquez : Les vaisseaux égyptiens 

= Votre lecture en cours

 

Ⓑ - Tête et cou ( = p. 12-24 only)

Cliquez : Les vaisseaux égyptiens Ⓑ

 

Ⓒ - Tronc ( = p.  24-54  only)

Cliquez : Les vaisseaux égyptiens Ⓒ

 

Ⓓ - Membres supérieurs ( = p. 67-68 only)

Cliquez : Les vaisseaux égyptiens Ⓓ

 

                                                                                                                                                                             

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• Richard-Alain JEAN, « Le cœur, les poumons, et les vaisseaux, 1 - Anatomie, Physiologie, Sémiologie », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Paris, 14 juin 2023.

Cliquez : Cardiologie - B

 

• Richard-Alain JEAN, « Le cœur, les poumons, et les vaisseaux, 2 – Anatomie égyptienne du cœur », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Paris, 1er septembre 2023.

 

Cliquez : Le coeur égyptien (Anatomie)

 

• Richard-Alain JEAN, « Le cœur, les poumons, et les vaisseaux, 3 – Anatomie égyptienne des poumons », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Paris, 18 décembre 2023.

 

 

Cliquez : Le poumon égyptien

 

• Richard-Alain JEAN, Cardiologie I-IV = A (articles groupés) : 

Cliquez : Cardiologie A

 

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Histoire de la médecine en Egypte ancienne (ISSN 2270-2105)
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