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Histoire de la médecine en Egypte ancienne

CARDIOLOGIE - B - Coeur

Article complet du vendredi 1er septembre 2023 :

CARDIOLOGIE - B - Anatomie égyptienne du cœur

 

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• Richard-Alain JEAN, « Le cœur, les poumons, et les vaisseaux, 2 – Anatomie égyptienne du cœur », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Paris, 1er septembre 2023.

 

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LE CŒUR, LES POUMONS, ET LES VAISSEAUX

2 - ANATOMIE ÉGYPTIENNE

DU CŒUR

 

 

Richard-Alain JEAN

 

 

          Cet article fait suite à l’introduction générale concernant l’étude approfondie de ces organes : R.-A. Jean, « Le cœur, les poumons, et les vaisseaux, 1 - Anatomie, Physiologie, Sémiologie », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Paris, 14 juin 2023.

          Il y sera ici question de trois désignations lexicographiques du cœur ( jbḥ3ty, nṯry) utiles en médecine, et des étymologies à envisager. Puis, dans le champ de la paléographie, seront d’abord abordés le cunéiforme pour quelques comparaisons historiques avec des sumérogrammes, et, le hiéroglyphique égyptien [1] depuis l’époque thinite, jusqu’aux époques ptolémaïque et romaine. Ensuite, des représentations des pièces anatomiques seront étudiées en détail en observant le cœur prélevé par le boucher dans son contexte réglementaire, le cœur présenté en offrande aux dieux et aux défunts dans la mesure où il y est montré plus librement, parfois avec des lambeaux d’annexes, et, le cœur comme amulette qui représente un témoin en trois dimensions. Ce viscère sera également considéré dans sa composition graphique nfr, comprenant l’une d’au-moins deux composantes organiques tubulaires différentes, vasculaire, ou, respiratoire, et en alternance, ou, présents simultanément dans le temps. Et enfin, les plus gros vaisseaux qui sont immédiatement abouchés au cœur seront distingués. 

          Après avoir brossé tous ces éléments réunis comparés avec nos connaissances modernes, constaté des faits graphiques très souvent reproduits dans l’art, et aussi donné quelques propositions d’interprétations au plus juste, nous pourrons remarquer que les médecins égyptiens de ces temps très anciens commençaient à avoir une assez bonne perception de l’anatomie cardiaque.

 

 


  

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          Le cœur 

 

          Bien entendu, le cœur est un organe unique, central, en perpétuel mouvement du vivant de son récipiendaire, mais, appelé, montré, et perçu, de plusieurs façons distinctes en Égypte, sans que cette singularité ne nuise pourtant à la conception anatomique et physiologique première de l’organe comme nous le verrons à la suite de cet exposé.  

 

          1. Désignations

 

          Il existe plusieurs désignations lexicographiques pour nommer le cœur en ancien égyptien. Toutefois, seules normalement les deux premières, jb et ḥ3ty, sont rencontrées dans les textes médicaux ou dans d’autres écrits ayant une valeur indicative naturaliste. Les dénominations ou périphrases différentes que nous pourrions rencontrer ça et là correspondent à des perspectives plus religieuses sur lesquelles je ne m’attarderai pas pour le moment, sauf si une nouvelle définition venait à nous apporter quelques précisions dans le domaine de la cardiologie : je ne citerai donc encore pour cette raison, pratiquement que le vocable nṯry pris dans un certain contexte riche en ce sens.

 

          1.1. Le cœur jb (ib)

pLacau 1970, § 237- 245 p. 91- 94 ; Alex. 77.0215, 78.0241, « cœur », organe du mort, et aussi : « siège de la pensée et du sentiment », 79.0155, avec le sens « estomac » ; Bardinet 1992, p. 41-49 ; Walker 1996, p. 147, 169-186, 265, « 1. mind, person, self, own, 2. Heart » (1. esprit, personne, soi, propre, 2. cœur) ; Hannig-Wb I & II,1 - 1318, « 1. [allg] Herz, (a. mit Verdauungsfunktion), 2. 1322 [fig.] Sinn, Verstand, Gemüt, Gefühl, Gewissen, Bewuẞtsein » (1. [généralement] le cœur (aussi avec fonction digestive), 2. 1322 [Fig.] sens, intellect, esprit, sentiment, conscience) ; Cauville 1997, III, p. 32 « le cœur », et aussi : « le cœur », comme amulette ; PtoLex. p. 58 « heart » ; Erichsen 1954, p. 26, dém. jb « cœur ». Puis, nous retrouverons en copte l’expression ⲩⲃ O « cœur » : KoptHWb p. 264, Vycichl1983, p. 243. Notons également l’akkadien libbu « cœur, ventre, intérieur » : Labat 1976, n° 384 p. 177 et n° 424 p. 193, Vycichl1983, p. 243, et autres (Cf. infra, p. 4). L’hébreu לֵבָב lēbāb, לֵב lēb : Sander, Trenel, 1979, p. 314-315, Vycichl 1983, p. 243. Et l’arabe lubb « cœur », et aussi « noyau », « esprit, intelligence, âme … » : Reig 1983, col. 4338, Vycichl 1983, p. 243.

 

          1.2. Le cœur ḥ3ty (haty)

p27,19 ; Lefebvre 1952, § 34 p. 31 ; Lacau 1970, § 237- 245 p. 91-94 ; Alex., 77.2579 « le cœur », le « muscle cardiaque proprement dit », et aussi : « comme siège du sentiment », 78.2566, 79.1883, (dans les scènes de boucherie) ; Bardinet 1992, p. 39-49 ; Walker 1996, p. 147-169, 179-186 et 272 « 1. heart, 2. central chest, mediastinum, 3. mind » (1. cœur, 2. poitrine centrale, médiastin, 3. esprit) ; Hannig-Wb I & II,1 - 19536 « Herz » (cœur) (Sitz d. Leben ; Zentrum der Gefässe ; Herz- und Verdauugsfunktion), (cœur (siège de la vie ; centre des vaisseaux ; fonction cardiaque et digestive)), « Herzmuskel » (muscle cardiaque) ; Cauville 1997, III, p. 356 « le cœur », et aussi : le siège des sentiments ; Erichsen 1954, p. 289, dém. ḥ3.t(y) « cœur ». Puis, nous retrouverons en copte l’expressions ϩⲏⲧ SB « cœur » comme partie du corps, puis aussi « sens, intelligence », ϩⲉϯ F « cœur » : KoptHWb p. 394, Vycichl 1983, p. 314-315.

 

 


 

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pque « Rê-Khnoum … a façonné … (nṯry ḥr sšm sm3 ḥr rmn) l’organe cardiaque pour la distribution, (et) l’appareil respiratoire pour le transport » (250,11b-250,12a-b). Le tout, « ayant fait respirer le tronc grâce à l’atmosphère » (250,9f), (car) « il a fait » … « la trachée pour l’inspiration comme pour l’expulsion (de l’air) (250,9l). Noter que le cœur et les poumons sont bien réunis pour une action commune comme en pEbers 855a que nous étudierons plus loin. Il s’agit bien ici de notions anatomiques et physiologiques précises situées dans un contexte religieux, et qui ont un effet fondamental sur « celles dont la gorge respire pour assurer la vie de l’embryon à l’intérieur de l’utérus » (250,9a), c’est-à-dire, l’effet de maintenir la vie par l’action cardio-circulo-respiratoire. J’en reparlerai bien à propos.

 

          1.4. Étymologies

 

                    Le « jb ». — Après une étude approfondie des textes médicaux et non médicaux, l’on comprend que le « jb » correspond à un « centre » solide et fluide à la fois, limité, communiquant, et entouré de matières, et que l’on peut comparer au « cœur » d’un arbre. Une partie plus délimitée et centrale correspondra à l’organe lui-même, ce qui explique que cet ensemble constitue un « centre névralgique » accessible au sensible.

 

          Le « ḥ3ty ». — Après la même étude, l’on est amené à comprendre que le « ḥ3ty » correspond, lui, à une unité plus réduite mais comparable et indépendante placée en « avant » de l’organisme animal à quatre pattes et qui est atteignable de face en visant le centre de la poitrine au cours d’une chasse. Il se situe donc en tête du « jb » avec lequel il communique, c’est-à-dire en haut du thorax d’un organisme humain ou animal placé debout. Ce qui est anatomiquement exact dans la mesure où le cœur, avec son myocarde (muscle myocardique doublé en dedans et en dehors par ses membranes et pourvu des gros vaisseaux artériels et veineux attenants), est bien le premier organe situé de cette façon « en sa place ».

 

          Le « nṯry ». — Nous envisagerons bientôt ici l’importance de la notion « indépendante et seigneuriale » du cœur, comparée à nos notions neurologiques et cérébrales, fonctions, dont les anciens dirigeants égyptiens – hormis les médecins et les universalistes – ne purent se départir pour le cœur que très tardivement, pour trouver dans ce terme divin une notion récapitulative juste avec les exemples scripturaires que nous avons évoqués plus haut dans la lexicographie de ce mot.

 

 


 

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          N.B. : Seule la première graphie est ici reproduite en cunéiforme.

 

          Pour conclure, en Mésopotamie [3], le libbu (ŠÀ), correspondait bien entendu à un organe. La déesse des médecins, Gula, est étroitement associée au cœur dans plusieurs grands hymnes. Le muscle cardiaque est souvent concerné par les prescriptions médicales qui nous ont été conservées sur des tablettes d’argile, ou bien, des poteries : l’une d’elles porte une inscription désignant une fumigation contre le « cœur brisé » (GAZ ŠA3.GA = hīp libbi). Pour un « cœur malade » (ŠA3 GE17-GA-KE4), nous savons aussi entre autres choses qu’en ce qui concerne la fréquence et le rythme cardiaque, deux termes appliqués au cœur étaient ešû (« être confus ») et dalāḥu (« être troublé »), la description clinique dit que « son cœur s’emballe, (et que) son haut-ventre (épigastre) bat rapidement ». Mais le libbu (ŠÀ), était aussi considéré comme le siège des sentiments et de la volonté, en ce sens, la locution libbu hasāsu signifie « se souvenir », et, ina libbu īdê, « connaître par cœur ». Par exemple, pour parler de soi-même dans un sens réfléchi, le sumérien pouvait employer des vocables comme ŠÀ, UR5, et LIPIŠ, trois termes synonymes. En fait, il existait une opposition certaine entre l’extérieur (BAR) et l’intérieur (ŠÀ) de soi. En ce qui concerne l’anatomie, ŠÀ représentait donc le « cœur-myocarde », et avait en plus un sens plus étendu, car il était « l’intérieur » au sens large sur une zone qui comprend l’abdomen et le thorax. Il pouvait ainsi désigner un autre organe en particulier selon le contexte : l’estomac, l’intestin ... (bien que ces viscères aient eu des termes propres pour les désigner). Il pouvait également avoir la signification de matrice, et encore, de pénis (dans la formule ŠÀ-ZI(-GA) (akk. niš libbi)), littéralement : « cœur levé » (ou en akk. « érection du cœur »). Voir aussi pour la physiologie, des expressions telles que ZI-ŠÀ-GÁL, « souffle vital » ou ŠÀ-TI-LA (akk. balāṭ libbi), « cœur vivant » (ou en akk. « vie du cœur »). Les notions que je viens de choisir ne nous sont pas non plus étrangères en Égypte, et j’ai déjà indiqué qu’elles n’en sont pas nécessairement dépendantes, et là aussi, je crois que nous pouvons continuer à raisonner en termes de schémas de pensées comparables. 

 

          2.2. Le hiéroglyphique égyptien

 

          Les aspects iconiques du cœur en Égypte ont variés depuis les origines, pour ensuite se stabiliser à partir de l’Ancien Empire en seulement quelques formes avec leurs dérivés pour constituer un groupe de signes relativement stable jusqu’à la Basse Époque, avec néanmoins parfois quelques variantes et hésitations. En voici quelques exemples. Ainsi, aux morphologies les plus diverses élaborées à la Période Thinite, succèdent des formes plus restreintes mais plus constantes issues de ces dernières, tout en conservant des niveaux graphiques intermédiaires plus simplifiés dans le même monument, comme par exemple dans le mastaba de Senedjemib Inti (Ve dyn.) ... Plusieurs aspects changeront plus tardivement.

 

 

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          En ce qui concerne la paléographie des différentes variantes du hiéroglyphe égyptien qui désignent le cœur (F 34), après la plus simple ovalaire, deux formes se stabilisent très tôt, l’une découpée pleine, et l’autre présentant des détails dans sa portion interne. Les excroissances qui s’en échappent en dehors sur les deux côtés opposés, et/ou au niveau de sa partie supérieure, pourront prendre l’aspect de frises tubulaires plus ou moins importantes dont les éléments s’abouchent en bas sur l’organe, et sont libres en haut du fait de leur section intervenue pour isoler l’objet. Vers la fin de la Basse Époque, les deux formations latérales iront en s’amplifiant à la façon de grandes oreilles (Dendara ..., cf. supra)

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          Classiquement : Logogramme jb « cœur ». Déterminatif de ḥty « cœur ». Plus rarement, idéogramme « cœur ». Je renvoie aux publications spécialisées pour les valeurs tardives.

          Dans le groupe de signes figurant le cœur, apparaissent quelques autres variantes tardives particulières que j’ai isolées ci-dessous en raison de leurs ajouts graphiques latéraux. En voici quelques exemples.

          On en trouvera les origines dans : É. Chassinat, Fr. Daumas, Le temple de Dendara, VII, IFAO 474, Le Caire, 1972, p. 41, n. 2 ; Sauneron 1982 = S. Sauneron, Esna VIIIL’écriture figurative dans le temple d’Ésna, IFAO 573, Le Caire, 1982, p. 127 ; Fr. Daumas et coll. Valeurs phonétiques des signes hiéroglyphiques d’époque gréco-romaine, Montpellier, 1988, I, n° 441-449, p. 276-277 ; D. Kurth, A Ptolemaic Sign-List, Hützel, 2010, p. 79 ; D. Meeks, Paléographie Hiéroglyphique. Guide de classement des signes hiéroglyphiques. Liste des signes, 2001.

 

 


 

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          Les détails latéraux de ce type de signes tardifs sont calqués sur des représentations effectives de pièces anatomiques directement issues des boucheries et apportées comme offrandes. Ses variantes furent alors également alors employées comme signes d’écriture de valeurs variables, dont beaucoup conserveront les deux valeurs initiales jb et ḥty « cœur ». Pour l’interprétation des appendices latéraux, on se reportera au chapitre anatomique consacré ci-dessous.

 

          Le cœur fait aussi partie du signe nfr (F 35). Ce signe est assez stable depuis la période thinite.

 

 

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pinférieure du signe. Assez stable dans le temps dans sa forme générale (hors figurations pourvues d’une trachée avec anneaux), le signe évoluera très tardivement avec parfois une branche montante s’élargissant vers le bas (ex : Ésna, Meeks, PlaléoHiéro, I, 2004, § 202, p. 75, et p. 271), et, un cœur marqué en sa partie supérieure de deux renflements, et d’une base plus ou moins pointue, détails qui deviendront très caractéristiques pour ces époques (ex : Ésna, Dandara, Kom Ombo, Philae … cf. supra).

 

          Phonogramme nfr.

 

 

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          3. Les pièces anatomiques

 

          Tous les modèles graphiques qui constituent des représentations du cœur dans la paléographie hiéroglyphique égyptienne descendent nécessairement de l’observation des pièces anatomiques enlevées pendant les dépeçages qui ont lieu après la chasse, et surtout dans la suite de l’histoire de l’écriture, des pièces prélevées dans les boucheries. Certaines de ces pièces serviront d’offrandes, nous en retrouverons des exemplaires soigneusement entreposés parmi d’autres morceaux de viande, et d’autres produits, sur les guéridons présentés devant les images des défunts sur leurs stèles mortuaires (Fig. 7).

 

 


 

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Il ne faut pas oublier pour notre réflexion, que, mises à part les viscères extraits rapidement des animaux surélevés têtes en bas par les chasseurs eux-mêmes qui en extraient à chaque fois un bloc cœur-poumons entier suivi des organes digestifs – chasseurs qui n’entraient, eux, que peu dans les décisions paléographiques plus tard décidées par les prêtres lors d’interventions plus longues et réfléchies – que, par contre, tous les gestes pratiqués sur les animaux sacrifiés dans les boucheries des temples sont exécutés suivant un rituel précis et bien codifié pour les raisons religieuses que nous connaissons. Il faut toutefois remarquer, que si le membre antérieur gauche théoriquement destiné aux dieux est constamment concerné dans ce protocole, le cœur, lui, bien qu’il exerce une certaine fascination comme nous le verrons plus loin, n’est retenu que d’une manière très inconstante dans la description visuelle des défilés et des tables d’offrande. Il faut dire qu’il ne s’agit que du cœur d’un animal auquel le défunt ne s’identifiera pas, mais que parfois il aura le goût de se réserver comme victuailles pour son éternité.

 

          3.1. Les cœurs prélevés par le boucher

 

          À partir de l’Ancien Empire, les scènes de boucherie ne varieront pratiquement qu’en fonction des places disponibles allouées et de leurs ordonnancements en suivant les tracés architecturaux. En prenant le temps de bien détailler les reliefs, les peintures à la détrempe, et les modèles en bois les décrivant, tableaux renseignés par tableaux renseignés, en restituant la chronologie, et puisque la question a été posée [4], il me semble qu’il n’y a pas lieu d’hésiter sur la mise à mort avant la première amputation du premier membre. Elle donne d’ailleurs lieu à une récupération du sang au niveau de la saignée (et sur laquelle je reviendrai à propos du sang). Ainsi en réalité, entraves, renversement, abattages, et découpages sur place à plat sur le sol, se déroulaient, selon la tradition, toujours dans un même ordre logique, et vus de face en trois dimensions par les acteurs, en perspective plongeante, tandis que les événement décrits seront perçus en vue latérale en deux dimensions pour le spectateur. Cependant, le reportage est souvent rendu partiellement, avec nombre de répétitions, et pas toujours de façon synchrone, ce qui peut certes porter à confusion. Mais il faut aussi en profiter pour remarquer chaque menu détail, tant ceux-ci sont à tous les niveaux de lectures instructifs. 

          De cette façon, et le plus classiquement [5], dans un premier temps, l’animal est amené à la longe, puis renversé contraint par l’entrave arrière, une patte avant soulevée à la main ou à la corde pour le forcer à se coucher sur le sol, ce qui peut prendre dans certaines représentations une allure assez sportive de la part des aides si une forte bête est rétive (Fig. 7). L’animal souffle, les yeux sont écarquillés. 

 

 

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          Dans un deuxième temps, une fois couchée, la bête est ligotée pour l’égorger plus commodément (Fig. 8a). Les quatre pattes sont attachées ensemble. Ou bien, si seulement trois pattes sont attachées, celle restée libre se retrouve inopérante mais peut être dangereuse même après la mort (mouvements réflexes désordonnés). Les yeux restent bien ouverts. C’est après cette manœuvre que dans un troisième temps, l’animal, yeux toujours grands ouverts, se voit entailler la partie antérieure du cou, et que la saignée est effectuée. Pour égorger la bête, le boucher pique et insère son couteau de silex bien aiguisé (ds), puis, il taille d’un ou deux coups brefs et hémicirculaires dans la peau jusque derrière la mâchoire et en-dessous des vertèbres cervicales. Ce geste profond a pour effet de sectionner les veines jugulaires, les artères carotides et la trachée. Le sang jaillit en vives saccades de la plaie béante et bouillonne. Un aide apporte un récipient pour recueillir le sang (Fig. 8b, et 9-10). Il faut savoir que durant l’exsanguination, les battements cardiaques continuent et augmentent la pression sanguine. Ce phénomène physiologique naturel permet à l’animal de se vider plus rapidement de son sang, et provoque la mort cérébrale dans les quarante secondes chez les gros bovins. Une importante incision artérielle unique ou supplémentaire pratiquée au niveau de l’épaule ou d’un membre n’aurait qu’un effet aléatoire en raison d’une contraction réflexe immédiate arrêtant le sang : ce phénomène est bien connu en chirurgie de guerre (plaie artérielle sèche).

 

 

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          Dans le quatrième temps, et une fois l’animal mort stabilisé, la plaie horizontale du cou est continuée au couteau par une autre verticalisée à partir de son centre et allant de la gorge vers le bas en une grande ouverture afin de permettre plus tard de dégager les viscères. La trachée sectionnée est de ce fait tout de suite mise au jour. Les yeux sont fermés. Parfois, la tête est détachée dans son entier, partie résiduelle de la trachée dépassante. Elle sera placée à côté du corps en présentation et attente, ou rejoindra tout de suite les offrandes. Ensuite, la patte avant gauche est découpée au niveau de l’épaule comme premier témoin de l’offrande, il s’agit du khepech (ḫpš) dont je ne détaillerai pas les fonctions ici, si non en rappelant que son offrande est liée à celle du cœur (Fig. 29). Les yeux sont souvent à ce stade montrés fermés. Il faut préciser ici que chez un animal vivant, les yeux sont montrés ouverts, avec des plis supérieurs figurés en hémi cercles parallèles horizontaux, alors que chez un animal mort et dans les représentations de très bonne qualité (Fig. 11-12, 14-17, 74), les yeux sont présentés fermés, ou comme révulsés, sans vie, avec cette fois des plis inférieurs droits, et verticaux organisés en éventail sous l’œil visible. Dans d’autres tombeaux, les yeux restent ouverts (ex : mastaba de Ty …), ce qui peut aussi s’expliquer : ainsi, tout de suite après la mort, les muscles se relâchent, et cela peut entraîner la fermeture des paupières. Cependant, dans certains cas, les muscles peuvent rester contractés en raison de myoclonies post-mortem, et ces spasmes entraînent alors le maintien des yeux ouverts malgré le relâchement des muscles. Devenue flasque, la langue pend souvent sur le côté de la gueule. L’encolure n’est plus tendue. Enfin pour cet épisode, il n’est pas montré de réflexe intestinal de stress avec perte des matières comme dans beaucoup de scènes de chasse. 

 

 

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          C’est à ce moment que les grands volets costaux gauche et droit sont écartés, après cassures et scissions des cartilages antérieurs pratiqués au couteau à la hauteur de l’un des bords du sternum, et en s’aidant d’une rotation externe de la patte droite restante libérée de son lien et actionnée par un aide (Fig. 8b entouré vert). L’ouverture de ce plan interne a pour effet de laisser entrevoir un bloc cardio pulmonaire encore caché par ses membranes plaquées contre lui. Puis, situé au centre du médiastin, et réclamé par un officiant : « donne-moi le cœur », l’organe central commence à être libéré par l’opérateur qualifié après lacération verticale de la plèvre dépassant en avant et du péricarde, après séparation du diaphragme en bas suivie d’une section vasculaire basse, et enfin, après la section des ligaments en haut et des gros vaisseaux, car un « arrachage » manuel, sans instrument tranchant, est impossible, en raison de la résistance et de l’élasticité des éléments accédant au cœur. Ce dernier acte ne peut se pratiquer qu’en plaçant le couteau derrière le cœur tout en l’écartant pour se faire, avec l’autre main, du groupe pulmonaire situé en arrière, et en dégageant de ce fait la trachée et les bronches qui se trouvent alors repoussées au fond avec les lobes latéraux. Le couteau peut alors être actionné par l’opérateur pour sectionner le paquet vasculaire d’arrière en avant. Si le couteau au contraire est fortement dirigé d’avant en arrière, il peut bien entendu trancher également à cette occasion la trachée et l’œsophage. La trachée lésée reste alors de toutes les façons encore fixée à la paroi postérieure de la cavité thoracique interne, et une fois libéré, le cœur n’apparaîtrait pas non plus de cette manière pourvue d’une trachée annelée, mais seulement d’un bon paquet vasculaire blanc. De plus, avec cette deuxième technique, la lésion œsophagienne provoque un reflux gastrique qui affecte immanquablement les chairs sur lesquelles il se répand, et les viandes du collier doivent alors être parées afin de conserver la viande saine. C’est donc la première technique qui est préférable, et celle la plus probablement employée à toutes les époques. 

 

 

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          Quelques titres relevés concernant le cœur :

 

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          Une fois le cœur prélevé, sujet sur lequel je reviendrai en physiologie, le cœur est tendu par la main à un prêtre qui le transportera en dehors des lieux pour être placé parmi les offrandes de victuailles. Nous le retrouverons également lors des processions, et, avec la patte avant gauche le khepech (ḫpš), dans le rituel de l’ouverture de la bouche. Il est intéressant de noter que le cœur est, pour ce premier transport, souvent pris en main par l’intermédiaire de la crosse de l’aorte ou saisi par son paquet vasculaire réuni à sa base tournée vers le haut dans ces représentations, la pointe tournée vers le bas. 

 

          Au cours des dialogues échangés entre les prêtres en attente de l’ablation du cœur afin de l’apporter sur les sites d’offrandes, et les bouchers la réalisant, on peut noter par exemple :

  

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          D’autres dialogues plus physiologiques seront fournis plus tard.

 

 


  

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porgane. Or, si l’on se reporte cette fois au signe nfr F 35, force est de remarquer que la trachée s’arrête au niveau de la représentation du cœur. Dans les bonnes représentations, cet arrêt est bien marqué par une solution de continuité matérialisée par la courbe finie indiquant le sommet du cœur. On doit aussi rappeler que si la trachée est verticale, le cœur in situ est quasiment couché sur le diaphragme, et que de cette façon il ne répond donc pas au même axe que celui de la trachée. Une fois sorti du thorax, il est enfin impossible de suspendre le cœur par la trachée. Alors que l'on peut suspendre les lobes pulmonaires par la trachée (Fig. 27). 

          Se continue alors la grande suite du dépeçage en dissociant, et en repoussant la peau au niveau de chacun des côtés. Ensuite, ces grosses unités formées de belles côtes sont débitées, à droite, et à gauche, puis rapidement emportées par des aides (Fig. 27-28). Le bloc pulmonaire dans son ensemble est rendu par cette opération bien visible, et accessible. Contenu dans une plèvre qui va être déchiquetée, la totalité de l’appareil pulmonaire est enfin enlevée sans façon et réservée comme le sera une partie de la viande prélevée avant de l’envoyer en cuisine (Fig. 27 entouré rouge). L’ablation des autres viscères et des autres membres semble postérieurement s’effectuer plus librement et sans ordre apparent, si non parfois sur la demande des aides et au passage des porteurs environnants.

 

 

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          Nous venons déjà de voir plusieurs points précis d’anatomie.

          En ce qui concerne la suite de l’interprétation anatomique du hiéroglyphe égyptien désignant le cœur (F 34), et de ses des différentes variantes, plusieurs possibilités se dégagent, et qui ne sont pas contradictoires entre elles, mais au contraire confortent l’idée que les naturalistes de ces époques successives très anciennes ont eu la volonté de concentrer dans les représentations de ce signe quelques connaissances réelles.

          Ainsi, nous avons vu que deux formes se stabilisent très tôt, l’une découpée pleine, et l’autre présentant des détails dans sa portion interne, ainsi que dans les excroissances qui s’en échappent sur les deux côtés opposés, et/ou au niveau de sa partie supérieure. En examinant bien les toutes premières représentations datant de la période thinite, il est clair que toutes ces excroissances représentaient initialement de gros vaisseaux sanguins attachés à l’organe et s’en éloignant, ceux-ci ayant été tranchés assez courts pour le signe de l’écriture. Nous avons vu également que dans d’autres représentations, telles que les pièces anatomiques enlevées par le boucher, puis présentées dans les offrandes, la longueur de ces conduits peut être plus importante. Cependant, il n’est pas impossible que les deux excroissances latérales opposées aient fini par se confondre parfois avec les deux oreillettes droite et gauche par où l’on peut également soulever un plus gros cœur de bœuf à la manière d’un vase pourvu de deux anses. Le paquet vasculaire est alors situé centralement, ce qui correspond à une première réalité (Fig. 5, b et c). C’est une première solution. Pourtant, cette dernière conception n’est pas défendue par le visuel de la plupart des signes bien dessinés à de brillantes époques pharaoniques, et l’on ne risque pas de se tromper en proposant de voir également, dans la partie supérieure du signe : la base du cœur composée de sa double partie atriale en avant, et de sa partie artérielle en arrière, tandis que sa partie inférieure montre la double partie ventriculaire. Ce schéma donc accuse une face antérieure après une ouverture sterno-costale au naturel : on peut alors observer un organe quasi couché sur le diaphragme : en effet, j’ai déjà indiqué dernièrement, que la base de l’organe, encore « en sa place » dans le thorax, regarde en arrière et à droite, et que son grand axe est presque horizontal. Et ensuite, le cœur se retrouve être observé redressé à la verticale quand on le tient dans la main après son prélèvement (je renvoie ici à la partie anatomique de mon article précédent). On est alors curieux de le retourner dans tous les sens pour le détailler, et si l’on s’arrête à nouveau sur le premier aspect antérieur découvert in situ, on sera tenté de le dessiner de cette manière, mais ici sans rectifier les différences d’aspect entre un organe incliné, et un organe représenté droit pour les besoins graphiques d’une écriture plus aisée. Cette manœuvre artificielle a pour effet de présenter deux gros vaisseaux bien opposés l’un à l’autre et issus de l’oreillette droite qui les cachent en partie dans cette perspective antérieure, mais cette fois dépassant dans un axe horizontal, alors qu’in situ cet axe est normalement pratiquement vertical. Il s’agit de la veine cave inférieure abouchée dans la partie inférieure de l’oreillette droite, et donc en raison de cette rotation figurée à gauche sur le dessin, et, de la veine cave supérieure, qui est abouchée en haut de la même oreillette droite, et se trouvant maintenant figurée à droite du dessin. Le fait que les deux excroissances latérales soient exclusivement de nature vasculaire de la période thinite à l’Ancien Empire, en raison du nombre de canaux qui les composent (Djoser …, cf. supra), plaide pour cette interprétation. Durant la période thinite, les vaisseaux s’échappant du cœur avaient simplement été séparés les uns des autres à la dissection, mais sans les classer, ce qui explique leurs nombres variables en fonction des artefacts, comprenant ou non par exemple le sinus coronaire veineux, et les artères coronaires. C’est en se stabilisant que les spécialistes trancheront pour ne signifier à ce niveau que deux gros conduits latéraux, les autres étant rassemblés sur la crête du signe correspondant à la suite des éléments s’abouchant sur la base du cœur. Ce qui est logique.

 

 


 

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Nous avons donc à faire à deux éléments en situation postérieure dont ne sont visibles que les deux extrémités veineuses émergeant chacune de son côté et issus de la partie atriale droite du cœur après dissection. L’aorte et le tronc pulmonaire insérés sur la partie artérielle, puis les quatre veines pulmonaires débouchant dans l’oreillette gauche se trouvent ainsi reportés par commodité artistique au centre du dessin en formant un paquet vasculaire présenté frontalement et donc à plat sur la figure. Ce dernier est bien constitué de plusieurs éléments séparés verticaux, mais le plus souvent en nombre variable, ou bien, constitué d’un seul élément filant à l’horizontal et plus ou moins épais, très probablement la crosse aortique, qui est courbe comme les bords d’un vase, et cachant derrière elle les autres formations vasculaires, qui sont normalement et anatomiquement présentes au nombre total de six : l’aorte donc, le tronc pulmonaire, et les quatre veines pulmonaires. Ces six gros vaisseaux, plus les deux veines caves, semblent bien figurer dans des représentations telles que celles d’Âdjib (Am. N.F. I pl.33 ; cf. supra) qui ajoutent en plus deux processus vasculaires coronaires plaqués sur le myocarde. Les autres artefacts thinites sont plus difficiles à interpréter en raison du nombre de conduits symboliquement représentés s’éloignant du cœur. Quand les deux formations latérales opposées sont montrées constituées de plusieurs conduits, il faut comprendre qu’il s’agit de la récapitulation d’une frise de vaisseaux figurés en nombre variable et théorisant les abouchements des trois parties anatomiques déjà décrites : la double partie atriale plus la partie artérielle, entourés dans cette configuration artificiellement présentée, des deux veines caves inférieure et supérieure, parties intégrantes de cet ensemble vasculaire, et dépassant, en ce schéma cardiaque, à l’extérieur de l’organe ainsi stylisé. En réalité, il s’agit d’une frise vasculaire coupée en trois : une droite, une centrale, et une gauche, ménageant deux espaces libres entre les trois, et qui correspondent aux parties visibles des deux oreillettes. Plus tardivement une variante reporte tous les vaisseaux à gauche (Meeks, 2001, n° 80). La schématisation intellectuelle n’est donc pas fausse. 

 

 

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          Puis, c’est l’oreillette droite qui se trouve, dans les meilleures reproductions cardiaques, ouverte par une lame bien aiguisée et qui ménage de cette façon une plaie en forme de croissant à concavité supérieure dans la mesure où le couteau est intervenu parallèlement à l’organe 5bis. Dans les hiéroglyphes de très bonne qualité, ce geste découvre une partie interne pectinée verticalement (Mérérouka), ou striée en croisillons (Pépy II, Sésostris Ier, Ramsès II …), ou parfois, peinte en blanc pour mieux ressortir (Néfertari …). Ce détail correspond bien à l’aspect irrégulier de sa paroi antérieure qui est trabéculée par les muscles pectinés qui la tapissent (colonnes charnues de 2e et 3e ordres).

          Vers la fin de la Basse Époque, les deux formations latérales iront en s’amplifiant à la façon de grandes oreilles (Dendara …, cf. supra) dont je reparlerai plus bas. Quand elles ne sont pas striées et donc non divisées en conduits apparents, elles pourraient indiquer le péricarde, comme dans d’autres signes où plusieurs éléments sont cumulés.

          Il existe aussi une variante cordiforme sans aucun élément dépassant ou interne (CGC 1419 …), nous la retrouverons plus bas à propos les offrandes provenant des boucheries. 

 

 


  

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          En ce qui concerne maintenant la partie inférieure qui correspond aux ventricules, c’est le ventricule gauche qui se trouve maintenant le plus exposé en bas (alors que le ventricule droit se trouve moins bien représenté en haut dans cette configuration), et qui sera également présenté tranché par un couteau appliqué longitudinalement, mais en ménageant une plaie plus importante de forme ovalaire qui découvre de la même façon une partie interne striée en croisillons dans les mêmes hiéroglyphes de très bonne qualité. Nous avons déjà vu la dernière fois que la surface interne des ventricules est très irrégulière en raison de multiples excroissances musculaires la hérissant partout et qui correspondent cette fois non seulement aux muscles pectinés, mais aussi aux tubercules, crêtes, trabécules en ponts, et muscles papillaires. Tous ces éléments se croisant comme dans une jungle inextricable.

          Toujours à propos des ventricules, il ne serait pas non plus complètement impossible que les deux coupes exposées en surface et dotées de croisillons dans les meilleures représentations hiéroglyphiques, aient été comprises, dans cette hypothèse, appartenir au ventricule droit dont la surface couverte en haut à gauche en vue antérieure est moins grande, et, sur le plus important ventricule gauche en bas. Il faut toutefois remarquer que plusieurs hiéroglyphes parmi les plus anciens ont été dotés d’un croissant ne comportant que des rayures verticales, et donc correspondant absolument aux muscles pectinés atriales, et qui dans ce cas appartiennent bien à l’oreillette droite (ex : Mérérouka).

 

 

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          Une autre solution consistera à voir dans ce signe un vase pourvu de deux anses et d’une bordure au niveau du col, ce qui pourrait s’expliquer dans la mesure où les cœurs de boucherie pouvaient parfois être déposés dans des pots comparables, comme dans des contenants plus évasés et sans poignées (cf. supra). Par exemple à Esna (Meeks, PaléoHiéro, I, p. 75, cf. supra) l’un des signe (§ 201) prend la forme d’un vase de granit 3b (W 7) – tout en sachant que le nom de la ville d’Éléphantine peut s’écrire à l’aide de ce vase « contenant un cœur ». 

          Nous l’avons compris, c’est donc bien ici la symbolique qui s’exprime et non pas toujours un schéma anatomique réel, comme par exemple pour le problème de « la main contraire » égyptienne [6].

 

 


 

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          3.2. Les cœurs d’offrande

 

          Les scènes de boucherie peuvent être mises directement en rapport avec la présentation des offrandes de nourriture présentées au défunt. 

 

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          À finalement toutes les époques, les cœurs présentés en offrande aux défunts correspondent parfois au hiéroglyphe lui-même, ou à des formes très proches, et allant de la forme la plus simple (Fig. 35-38), à des formes moyennes (Fig. 39-41), jusqu’aux formes les plus proches, moyennes (Fig. 42) caractéristiques simplifiées (Fig. 43-46), et caractéristiques plus évoluées (Fig. 47-52). À peine sont-elles cependant montrées assez constamment dans un axe non vertical mais peu incliné, et encore mais plus rarement en adoptant une apparence plus molle (Fig. 47, 51). 

 

  

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          À côté de ces cœurs libres, d’aspects hiéroglyphiques ou quasi hiéroglyphiques, venant d’être prélevés pour servir d’offrandes, figurent d’autres représentations plus naturalistes et marquant une certaine volonté de mieux approcher la réalité anatomique. Elles resteront cependant abrégées dans leurs représentations picturales limitées à deux dimensions, et en conséquence elles ne montreront que quelques ébauches vasculaires. La plupart de ces représentations ne comportent qu’une seule ébauche centrale (Fig. 53-57), alors que d’autres en comportent plusieurs (Fig. 58-60). Les coeurs pesés également.

 

 

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          Nous voyons que ces représentations sont nettement conçues différemment que celles copiant les signes hiéroglyphiques habituels désignant le cœur. Les cinq premiers exemples cordiformes (Fig. 53-57) montrant une dépression centrale divisant le myocarde, et où se trouve logé un gros conduit, doivent symboliser les deux cœurs : le droit et le gauche, et entre lesquels s’insinuent un groupe vasculaire conséquent, mais dont on aperçoit ici qu’un seul élément constitutif et récapitulatif des autres cachés derrière. Quand nous rencontrons très visiblement trois gros vaisseaux s’abouchant au niveau des oreillettes, partie atriale rainurée sur la figure (Fig. 58), il n’est pas impossible d’interpréter le conduit situé à gauche sur cette représentation comme figurant la veine cave supérieure, la veine cave inférieure étant bien ici normalement dissimulée derrière et en bas, puis, le départ de la crosse de l’aorte au centre, suivi du tronc pulmonaire à droite, les quatre veines pulmonaires se trouvant bien normalement cachées derrière dans cette incidence. Ce schéma est donc juste.

 

 


 

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D’ailleurs, la représentation suivante (Fig. 59), qui est plus conventionnelle et rappelle les très anciennes formes thinites (Cf. supra, p. 5-6), comprennent bien les huit conduits les plus importants. Cette représentation bien que plus théorique n’est pas fausse. Quant à l’image cardiaque fournie par le Papyrus de Djed-Khonsou-iouf-ankh (Fig. 60), elle doit, montrer latéralement deux gros vaisseaux, ou bien quatre, tous disposés de manière symétrique, soit de toutes les façons dans ce schéma un paquet vasculaire important.

p(Fig. 62, 63, 64, 64 bis, 64 ter, puis, fig. 120, et pour un LdM, fig. 124)

 

 

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          Dans le groupe de formes libres figurant le cœur, apparaissent quelques variantes particulières en raison de leurs ajouts graphiques supérieur et latéraux. Comme dans les hiéroglyphes tardifs correspondants (Cf. supra) ces unités comportent des formations les coiffant, et/ou en forme de deux ailes pointues, qui rebiquent assez souvent vers le haut et en dehors, placées de chaque côté. Nous verrons que ces formations correspondent au péricarde. En voici quelques exemples, non pas cette fois comme hiéroglyphes dans le texte, mais maintenant immédiatement issus de la main du boucher (Fig. 65-78).

 

 

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          Si l’on examine bien les structures dont sont parés ces cœurs, on voit tout de suite qu’en raison de leurs tailles réduites par rapport au corps cardiaque, ces formations ne peuvent pas représenter les poumons, même flasques et vidés de leur air. Aussi, une partie supérieure parfois représentée à toutes les époques ne peut pas montrer une trachée coupée (Fig. 65-69, 72, 77, 79). D’ailleurs, elle est à peine esquissée (Fig. 70, 71, 73), ou absente le reste du temps (Fig. 74, 75, 76, 78). Ainsi, ces profils établis à partir de la partie supérieure de l’organe semblent aériens, et un peu flotter pour finir par s’écarter vers le bas en s’évasant, et en terminant assez souvent en pointes qui ont tendance à remonter plus ou moins librement un peu comme le feraient des boucles de cheveux. L’insertion supérieure est montrée plus réduite que les deux bords latéraux visibles qui sont nettement plus larges et espacés. Nous nous trouvons donc en présence de deux parties ballantes : des lambeaux. Ils peuvent paraître ondulants comme le serait un rideau organisé sur une tringle (Fig. 69 et 70). Les deux bords antérieurs sont parfois comme issus d’une grande cape continuant à envelopper le cœur dans sa portion postérieure (Fig. 68).

          Dans cette situation il ne peut s’agir que de franges membraneuses représentant les restes péricardiques et résultant de l’intrusion du couteau du boucher. En effet, ce dernier devait fendre, en avant à sa vue, et de haut en bas, la plèvre débordante, et cette structure protectrice plaquée. Puis, dans la mesure où celle-ci est bien intimement adhérente au cœur, il devait aussi couper en les écartant, les insertions thoraciques supérieures qui correspondent pour nous aux ligaments vertébro-péricardiques, les ligaments sterno-péricardiques supérieurs et inférieurs ayant déjà été emportés avec la découpe du sternum. À la suite de cela, il devait rompre les ligaments l’attachant solidement au diaphragme, c’est-à-dire en découpant de manière circulaire les ligaments phréno-péricardiques, en commençant par celui qui est antérieur, et continuant par le droit, puis éventuellement le gauche qui est anatomiquement inconstant. Il faudra encore rompre la suite verticale des ligaments vertébro-péricardiques qui le relient en arrière à la colonne vertébrale. Il ne restera plus alors qu’à le dégager des ligaments trachéo-péricardique, broncho-péricardique, et œsophago-péricardique. La taille plus ou moins experte de tous ces tractus fibreux entraînera par la même occasion la séparation des poumons, en occasionnant de cette façon également quelques lacérations pleurales comme nous le verrons plus tard.

 

 


 

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En reprenant ce schéma d’exclusion sur un plan antérieur en deux dimensions comme nos représentations, nous retrouvons bien un abord supérieur étroit vers en haut, et un abord plus large en bas définissant une forme de cloche rompue à sa base. On peut même encore noter, mais plus rarement, la présence d’un troisième lambeau de membrane (Fig. 60) et qui pourrait bien correspondre au reste de l’un des ligaments vertébro-péricardiques d’insertion supérieure qui débute dans l’épaisseur des cloisons sagittales depuis la sixième vertèbre cervicale. Il n’est pas non plus impossible de suspecter la perception, dès cette époque, en raison justement de ces délabrements disjonctifs qui se trouvent les séparer, des deux feuillets péricardiques séparés l’un de l’autre dans certains dessins : c’est-à-dire, le feuillet fibreux (lame pariétale) inséré en bas sur le diaphragme, la ligne de réflexion des lames péricardiques, et par suite, le feuillet séreux (lame viscérale) plaqué contre le myocarde (par exemple dans la fig. 76). Puis comme élément de prise, le sinus transverse en avant, glissant in situ sur le sinus oblique du péricarde en arrière.

 

 

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          Il faut encore signaler l’appareil séro-graisseux du cœur avec les franges graisseuses (ʿ ) du péricarde bien visibles en situation médiastinale ouverte et décrits dans les textes médicaux que nous approfondirons à propos de la pathologie où cette graisse est accusée de provoquer des désordres cardiaques. En voici pour le moment qu’un court extrait étiologique.

 

          p.Ebers 855. 10, 13c-14

 

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          « Cela signifie que sa graisse (péricardique) est (aussi, trop) située du côté gauche, (c’est-à-dire, trop loin, jusqu’à) la jonction avec son épaule (b).

 

 


 

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p« graisse animale, suif » ; Hannig-Wb I & II,1 – 6237, « Fett » (graisse) ; PtoLex. p. 186 « pieces of fat » ; Cauville 1997, III, p. 100 « graisse » ; Erichsen 1954, p. 74, dém. ʿt « graisse » ; KoptHWb p. 295 ; Vycichl 1983, p. 251,  SB, « graisse ». Lefebvre 1956, p. 36 « masse grasse du cœur ». Ghalioungui 1987, p. 228, « fat mass » (masse graisseuse) ; Bardinet 1992, p. 108 « masse (ou sa bordure) » ; « Westendorf1999, II, p. 696 « Fettmassse » (masse graisseuse) ; Lalanne, Métra, 2017, « bords ». R.-A. Jean, A.-M. Loyrette, La mère, l’enfant et le lait en Égypte Ancienne. Traditions médico-religieuses. Une étude de sénologie égyptienne (Textes médicaux des Papyrus du Ramesseum n° III et IV), édité par Sydney H. Aufrère, Collection Kubaba – Série Antiquité – Université de Paris 1, Panthéon Sorbonne, L’Harmattan, Paris, 2010, p. 33, et note 53 p. 40, « graisse » en situation péricardique et médiastinale.

 

          Commentaire. — Dans cette partie étiologique, le texte indique clairement qu’il y a une trop grande quantité de graisse accumulée dans cette région antérieure, puisqu’elle est dite déborder jusqu’au niveau de l’épaule gauche. Cette observation anatomopathologique très pertinente ne peut avoir été réalisée qu’après une autopsie thoracique en règle, les deux volets costaux ouverts, sur un sujet ayant eu de gros problèmes cardiaques. En effet (Fig 80-81), il existe toujours, fixées sur le péricarde fibreux, et sous son insertion sterno-péricardique supérieure, quelques franges graisseuses sous-pleurales dont le rôle est de combler les espaces libres situés entre le péricarde, les poumons sur les côtés, et le diaphragme en bas. Ces formations siègent surtout normalement le long de l’insertion diaphragmatique du péricarde, et sur sa face antérieure, près de la pointe du cœur. Chez un sujet obèse cette masse peut être plus conséquente et avoir été jugée par les médecins pharaoniques – surtout quand à l’ouverture du corps on tombe immédiatement sous la peau sur des panicules graisseux importants (ḏd3 n jwf ailleurs) s’étendant jusqu’aux articulations nous dit le texte – comme capables de provoquer des maladies atteignant le cœur. Ceci est très juste nous le savons maintenant, même si la clinique choisie dans la première partie de ce texte ne s’y prête pas tout à fait comme nous le reverrons en pathologie, du moins, nous savons aussi qu’elle peut être concomitante dans un contexte de même nature, plus ou moins douloureux (angor, infarctus du myocarde …). Cet excès graisseux bien visible en externe et en interne entraînant de toutes les manières un surplus lipidique dans le sang et des dépôts obstruant à terme les artères coronaires. Une autre pathologie peut se produire avec la torsion de frange graisseuse péricardique qui est une cause bénigne de douleur thoracique. Elle correspond à une nécrose focale du tissu adipeux, et qui est responsable d’une inflammation et de douleurs locales latéralisées qui peuvent se trouver augmentées lors de l’inspiration. Quant à l’infarctus de la graisse épi-péricardique, elle correspond à une maladie plus rare, également bénigne, mais qui se manifeste par des douleurs thoraciques aiguës. 

 

 

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          3.3. Le cœur comme amulette

 

          Les amulettes de toute sorte en Égypte étaient légions, aussi je ne tenterai pas d’en approfondir ici les entendements théologiques ou psychologiques, si non en notifiant qu’elles font partie à tout le moins de l’arsenal prophylactique censé agir par magie, aussi bien chez les individus vivants que chez les morts. De la même façon, je ne ferai que citer les scarabées de cœur, et ceci seulement quand un de leurs aspects peut entraîner une réflexion anatomique.

          Les amulettes cordiformes sont déclinées dans toutes les matières habituelles qui servent à confectionner ces petits objets précieux ou non. Nous verrons qu’assez souvent semblables aux formes hiéroglyphiques correspondantes, les amulettes représentant un cœur offrent pourtant parfois des détails intéressants. 

          Les artéfacts seront classés ci-dessous en fonction des évolutions de leurs formes et gravures.

 

 

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          Nous avons rencontré notre première amulette ici même (Fig. 74), qui représente un cœur chargé d’une partie du reste de son manteau péricardique. Je la reprendrai ici pour faire remarquer que sa partie supérieure est barrée de deux lignes horizontales séparant la partie atriale et la partie ventriculaire. Puis dans la mesure où elle est double, cette ligne doit également correspondre à un processus vasculaire comme le sinus coronaire. Toute ces figurations peuvent en effet correspondre à une facile manœuvre de dissection péricardique antérieure en « ailes » chez l’homme ou le modèle animal, mais accompagnée de délabrements quand elle est entreprise par un boucher comme nous l’avons vu plus haut.

          Pour le cœur à nu, nous retrouverons encore des formes simples (Fig. 75-80) à composées habituelles (Fig. 82-87), c’est-à-dire des représentations quasi hiéroglyphiques. Parmi les formes composées, certaines ne montrent que des détails partiels, avec seulement une plaie inférieure comportant des croisillons ou non (Fig. 87), et dont nous avons vu qu’ils représentent les anfractuosités musculaires internes que forment les muscles pectinés, les tubercules, les crêtes, les trabécules en ponts, et autres muscles papillaires. D’autres sont gravés en plus dans leur partie supérieure de deux amorces de séparations qui obliquent en bas de dehors en dedans (Fig. 88). Ces deux barres obliques se rejoignent parfois et sont elles-mêmes limitées à leur pointe par une barre horizontale (Fig. 89). Ces barres obliques figurent-elles une valvule inter-auriculoventriculaire (?), une de chaque côté (?). Ces amorces correspondent aussi au début simplifié d’une gravure en Y (Fig. 96), ou en T (Fig. 97-98), qui délimitent une double partie atriale en haut, et deux parties ventriculaires latérales gauche et droite en bas. La partie moyenne verticale correspond au septum interventriculaire. Le sillon séparant le cœur gauche du cœur droit est encore visible dans les amulettes tardives (Fig. 101-102). Cette paroi est parfois montrée plus épaisse et s’évasant dans sa portion inférieure (Fig. 102), elle correspond à la partie musculaire du septum interventriculaire qui se termine en haut par sa partie membraneuse moins épaisse. Il s’agit d’une bonne projection de ces parties internes du cœur. Nous retrouvons bien cette notion partitive dans des représentations de plusieurs pièces anatomiques d’offrande (Fig. 103 a et b, avec reconstitution fig. 104), ainsi que dans d’autres amulettes (Fig. 96-98, et 105 a et b). Sur ces mêmes artefacts, les tracés horizontaux représentent bien le sillon auriculo-ventriculaire (atrio-ventriculaire) qui sépare en externe la partie atriale de la partie ventriculaire, et, le tracé vertical indique bien un sillon inter-ventriculaire qui sépare en externe les deux ventricules. Ces dépressions sont parcourues par des vaisseaux sanguins que l’on peut penser représenter (Fig. 58, 74, 97 et 105 b) : il s’agit des artères et des veines coronaires. Bien entendu ce schéma est très simplifié, mais il n’est certes pas faux, surtout vu en face postérieure (Fig. 106). Aussi je pense que les artistes n’auraient pas reproduit tous ces détails sans les indications des savants naturalistes. Nous retrouverons l’amulette de Khâemouaset [7].

 

 

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          Voir encore quelques amulettes de cœur en pâte de verre colorée conservées au musée du Louvre (N.E), et dont les teintes, sont, si elles ne sont certes pas exclusives (il y en a des vertes et jaunes), sont néanmoins intéressantes puisque certaines sont rouges (Fig. 85a) ou bleues (Fig. 85b). Les bleues n’apparaissent en effet non pas d’un « bleu égyptien » classique tirant sur le vert à la manière de la turquoise, mais bien d’un bleu plus sombre à la façon du lapis-lazuli. L’une d’elles (Fig. 87a) également mêle des bandes rouges et bleues (séparées de blanc), et une autre (Fig. 87c) alterne juste des bandes bleues (blanches et bleues). Il est impossible de savoir si l’artiste ou son commanditaire tenait dans ces œuvres à montrer le sang rouge et le sang bleu, mais le fait que l’organe ainsi façonné représente un cœur ne l’exclue pas définitivement si l’on considère quelques aspects physiologiques déjà développés dans une suite d’articles consacrés à la respiration en Égypte ancienne [8]. Pour la couleur alternée verte foncée d’autres de ces perles en forme de cœur, elle pourrait bien, elle, évoquer la force vitale développée en son centre qui le fait battre (croitre et décroitre), ainsi que son alternance avec le jaune, son potentiel de régénération au moment de la résurrection. Quant au noir profond qui compose la couleur dominante d’un autre petit cœur en pâte de verre conservé au MRAH de Bruxelles (E 1852), il représente (comme pour Osiris) la composition même de sa propre chair que l’on découvre également nimbée de rouge foncé par endroits et barrée de bandes rouges (et blanches). Ainsi, nous voyons qu’en Égypte toutes les couleurs avaient un sens, y compris biologique.

          De la même manière, il se trouve que certaines scènes figurées dans des tombes thébaines nous montrent des doubles cœurs portés par les défunts eux-mêmes (Fig. 107-108, 110). On les retrouve sur le plateau de la balance de la psychostasie (Fig. 109 a et b), mais, pèse-t-on une décoration (?) [9]. Et l’on est en droit de se demander alors s’il ne s’agit pas de la représentation des cœurs droit et gauche anatomiquement unis dans le même organe, maintenant que nous savons que les anciens Égyptiens connaissaient cette double disposition comme nous l’avons vu plus haut. Il faut aussi noter qu’ils sont de couleurs différentes, l’une plus foncée que l’autre, ce qui doit signifier qu’ils ont chacun une fonction anatomo-physiologique différente. Cela fait immédiatement penser au cœur gauche dédié au sang rouge provenant des poumons, et au cœur droit dédié au sang rouge plus foncé venant de la périphérie. J’en reparlerai en physiologie.

 

 


 

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          L’enracinement parental (je rappelle ici qu’en Égypte, c’est la mère qui donne le nom à sa progéniture), consacre l’hérédité de l’individu qui vient à l’existence pourvu de son esprit et de son cœur physique. En effet, le cœur est considéré comme le siège réactif de la vie qui englobe tout, l’offrande du divin en l’homme, la réception du divin avec son maintien ou non dans le corps de l’homme, ce qui entraîne le bon fonctionnement cardiaque soutenu par un non déficit de la Maât, ce qui exempte l’organe de la maladie et de la mort, et par suite facilite la conservation de l’individu [11]. Ainsi, à la différence du cœur d’offrande issu d’un animal, le cœur amulette, le cœur de présentation, celui qui est montré pesé lors de la psychostasie, ce cœur-là est bien à l’image de celui organique, charnel, et qui appartient en propre au défunt, ne peut qu’être celui d’un homme qu’il représente. 

          Ce défunt a pu être disséqué, et son cœur comparé à celui d’un modèle animal, ou bien encore être le cœur d’un condamné, d’un étranger, d’un ennemi humain.

 

 

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          3.4. Les gros vaisseaux du cœur 

 

          Nous avons déjà abordé plus haut les plus gros vaisseaux du cœur, ainsi que le réseau coronaire superficiel. Tentons maintenant d’en évaluer la situation.

p[12][13][14][15][16][17][18][19]

 

          pEbers 856 b. 103,2c-3b

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          Commentaire. – Ce texte nous indique que douze vaisseaux sont abouchés au cœur, dont les huit plus gros vaisseaux habituels que sont la veine cave supérieure, la veine cave inférieure, l’aorte, le tronc pulmonaire, et les quatre veines pulmonaires, plus, le sinus coronaire, l’artère coronaire droite, l’artère coronaire gauche qui se continue par l’artère circonflexe, et une artère inter-ventriculaire (Fig. 106). Ce qui est logique, puisque nous avons vu plus haut que les médecins pharaoniques avaient bien perçu les sillons inter-auriculoventriculaires et les sillons inter-ventriculaires, bien visiblement comblés par les différents vaisseaux coronaires. Un passage du pBerlin 3038 (163 b. 15, 5-6) nous en compte pas moins de vingt-deux, et où ces conduits sont dits s’établir entre la tête et le cœur. Il faut les considérer comme des ramifications s’étendant des gros vaisseaux artériels (ou veineux) rejoignant la tête à partir, ex : 1. de l’aorte, 2. de l’artère brachio-céphalique à droite, 3. de l’artère carotide commune à gauche, se poursuivant par les artères carotides 4. internes droite, 5. externes droite, et 6. interne gauche, 7. externe gauche, des veines brachio-céphaliques 8. droite et 9. gauche se poursuivant par les veines jugulaires 10. interne droite, 11. interne gauche 12. externe droite, 13. externe gauche … (?) plus une centrale thyroïdienne, huit et quatorze font vingt-deux. 

p[20][21], [22]

qu’un œsophage comme le pense Fischer, ou, une veine cave supérieure avec des ramifications, surtout quand il comporte deux traits supérieurs [23], ou rarement plus (Fig. 6). Ces traits pourraient bien aussi symboliser « pour mémoire » les quatre mtw d’abouchement, dont deux auriculaires et deux ventriculaires, ce qui n’est pas absurde à concevoir selon un découpage profond de l’organe principal (des schémas basiques modernes et pédagogiques le font bien !). Dans les cas les plus classiques où la barre verticale représente bien une trachée comme nous l’avons vu plus haut (p. 10-12), ce conduit ne peut pas être logiquement figuré comme s’abouchant sur le cœur, il ne peut être montré que placé en arrière de l’organe, l’œsophage lui, étant placé en arrière de la trachée, contre le rachis : les gros vaisseaux situés au-dessus du cœur sont très majoritairement placés en avant de la trachée dans le médiastin (Ex. coupe horizontale en T3, où seule l’artère subclavière gauche passe sur le côté droit). J’ai déjà démontré la dernière fois qu’un esprit normalement constitué ne pouvait pas se tromper en ouvrant un organisme à ce niveau.

 

 


  

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          Pour ce qui est du boucher, nous avons également déjà vu qu’il devait « saisir » l’organe dans le médiastin ouvert d’un animal après avoir forcé la plèvre et le péricarde. Or il faut savoir que cela ne peut pas se faire n’importe comment. En effet, cette pièce anatomique importante « en sa place » ne peut être sortie du thorax à une seule pleine main qui ne pourrait pas la contenir : le cœur d’un bœuf pèse en moyenne plus de 6 Kg, et davantage pour un taureau. La seule façon de le prendre aisément, est, après délabrement des membranes antérieures comme déjà indiqué plus haut, de pratiquer une section vasculaire et accompagnants basse, puis assez haute du paquet vasculaire et accompagnants, et au minimum de l’attraper par son intermédiaire (Fig. 116), mais ça glisse … et le cœur risque fort de se retrouver à terre avant d’être donné au prêtre qui l’attend, ou, placé dans un récipient prévu à cet effet. Ainsi, afin de s’en « saisir » fermement et prestement, il est bien préférable de passer sa main sous la crosse de l’aorte et de le soulever de cette manière (Fig. 117). Ou, encore plus subtilement, en insinuant trois doigts à travers le sinus transverse du péricarde pour constituer une meilleure prise en isolant les deux très gros vaisseaux que sont l’aorte ascendante à gauche, et, le tronc pulmonaire à droite. Dégager l’organe et le présenter à qui l’attend devient alors un jeu d’enfant. C’est ce que nous montre plusieurs scènes assez vivantes.

 

 


 

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          4. Conclusion anatomique

 

          Pour l’anatomie pure, il faudra avoir recours aux diverses formes prises par le signe et qui en exprimera à chaque fois une perspective complémentaire pour cet organe asymétrique, et donc plus complexe à rendre dans l’art comme je l’ai déjà indiqué. Après synthèse, j’incline à penser que les notions égyptiennes recouvraient au moins en interne : le myocarde, les deux oreillettes, les deux ventricules, quelques-unes de leurs structures internes en raison nous l’avons vu de leurs formes irrégulières (muscles pectinés, tubercules, crêtes, trabécules en ponts, et muscles papillaires). Des barres obliques [25] figurent-elles des valvules inter-auriculoventriculaires droite et gauche (?), il y en a d’autres exemples (Louvre E 18237 ; Szépművészeti Múzeum 51.1557, 51.2675, 51.2674 ; Coll. Particulière cf. infra fig. 118 …). Et donc les cordages valvulaires. Les médecins ont pu apercevoir aussi à la coupe des formations blanches appartenant au tissu nodal, ainsi que chez certains modèles animaux, dont le bœuf et le mouton, l’os de cœur (se reporter à mon article précédent). Puis en externe, étant bien visibles, les naturalistes ne pouvaient pas manquer les huit gros vaisseaux abouchés au cœur que sont (ici désignés par nos dénominations modernes) : la veine cave supérieure, la veine cave inférieure, la crosse aortique, le tronc pulmonaire, les quatre veines pulmonaires, plus des artères et des veines coronaires. Les bouchers comme les dissecteurs ne pouvaient pas manquer la plèvre dépassant, les feuillets péricardiques, dont le feuillet pariétal inséré en bas sur le diaphragme, les autres insertions supérieures et postérieures, la ligne de réflexion des lames péricardiques, et enfin, le sinus transverse au doigt. 

          Je confirme que tout ceci est compatible avec une observation macroscopique.

 

 

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          En ce qui concerne les signes de valeur nfr (F 35, F35A), nous avons déjà évoqué la position de Fischer et préféré voir, dans la branche montante, la veine cave supérieure dans beaucoup de cas, même après l’Époque Thinite et l’Ancien Empire où les anneaux trachéaux ne sont jamais marqués comme parfois à partir du Moyen Empire. En effet, cette branche et ses ramifications peuvent simplement être figurés par des barres noires, ou parfois, être colorées en bleu (ex : Qar, VIe dyn., Kelsey Museum, KM 1981.4.1 ; Nombreux monuments de l’Ancien Empire ; KV 17 de Séthy Ier, XIXe dyn. ; Fig. 122e ici même en dernière page ), ou en bleu-vert ou vert (ex : KV 222 d’Amenhotep III, XVIIe dyn. ; TT 69 de Menna, XVIIIe dyn. ; QV 66 de Néfertary, XIXe dyn. ), ou encore simplement cernés de rouge comme le cœur lui-même (ex : Stèle de Néfertiabet, IVe dyn., Louvre E 15591 ; Tombe d’Iroukaptah ; KV 17 de Séthy Ier). Tous ces signes de très bonne qualité nous indiquent donc plutôt dans ces cas précis, et bien d’autres, un très gros vaisseau, et non des anneaux trachéaux qui auraient été dessinés si telle avait été la volonté de l’ordonnateur. Le vaisseau étant rectiligne une fois étalé, et non restant courbe comme une crosse, il s’agit du conduit veineux précité avec ses divisions réduites à deux (= trois branches en comptant la distale, représentant les veines brachiocéphaliques droite et gauche plus une autre), ou portées à quatre (= cinq branches en comptant la distale, représentant les veines brachiocéphaliques droite et gauche, les subclavières droite et gauche, et une autre), exceptionnellement plus, dont les jugulaires internes et autres (KV 9, tombeau de Ramsès VI). Ces ramifications en nombre étaient certainement réputées assurer une meilleure distribution du sang à tout le corps du défunt prestigieux dans sa nouvelle vie (et donc calquées sur l’image de l’anatomie du sujet vivant lui-même en bonne santé). De la même manière, une trachée superposée derrière le cœur, c’est-à-dire un ensemble de deux organes cumulés et visiblement associés mais non débouchant directement l’un sur l’autre, devait lui assurer une heureuse distribution d’un air par les poumons régénéré comme nous le verrons bientôt en physiologie cardiaque et respiratoire.

 

 

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          Enfin maintenant, quant à l’identification du cœur hiéroglyphique, il se trouve que ses formes varient quelques fois légèrement, mais au point tout de même d’autoriser l’observateur à les comparer à celles d’un organe bovin (plus large), de mouton (plus long), de porc (plus régulier), ou même d’un être humain (Pépy II, Mérérouka, Néfertari …). 

          Il s’agit de toutes manières de la représentation d’un cœur de mammifère.

          Il faut encore noter que parfois, le tracé du signe hésite entre le rendu d’une potiche dans sa portion supérieure, avec cependant des détails internes propres à une interprétation viscérale (Fig. 123).

 

 

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          NB. Certains clichés peuvent apparaître floutés en raison de la définition insuffisante du premier appareil photo électronique grand public employé en son temps, en France, en Égypte, et à l’étranger, et ceci, grâce à un très long prêt accordé par l’intermédiaire du mécéna d’un grand fabriquant. 

 

 


 

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psychostasie p

 

 

 

 


 

 

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[1] A.H. Gardiner, Catalogue of the Egyptian hieroglyphic printing type, from matrices owned and controlled by Dr. Alan, Oxford, 1928 ; — « Additions to the new hieroglyphic fount (1928) », The Journal of Egyptian Archaeology, 15, 1929, p. 95 ; — « Additions to the new hieroglyphic fount (1931) », The Journal of Egyptian Archaeology, 17, 1931, p. 245-247 ; — Supplement to the catalogue of the Egyptian hieroglyphic printing type, showing acquisitions to December 1953, Oxford, 1953 ; Catalogue de la fonte hiéroglyphique de l’imprimerie de l’I.F.A.O., Le Caire, 1983 ; Fr. Daumas et collValeurs phonétiques des signes hiéroglyphiques d’époque gréco-romaine, Montpellier, 1988 ; H.G. Fischer, Ancient Egyptian Calligraphy, The Metropolitan Museum of art, New York, 1988 ; D. Meeks, Catalogue des signes hiéroglyphiques de la fonte S.E.C.H.A.T, Paris, 1991 ; — « Catalogue des signes hiéroglyphiques », VIe Congrès International d’Égyptologie, Turin, 1994 ; N. Grimal, J. Hallof, D. van der Plas, Hieroglyphica - Sign List, Utrecht - Paris, 2000 ; S. Cauville, Dendara, Le fond hiéroglyphique au temps de Cléopâtre, Cybèle, Paris, 2001 ; D. Meeks, Les architraves du temple d’EsnaPaléographie, Paléographie hiéroglyphique 1, IFAO, Le Caire, 2004 ; B.J.J. Haring, The tomb of Sennedjem (TT1) in Deir El-MedinaPalaeography, Paléographie hiéroglyphique 2, IFAO, Le Caire, 2006 ; Kh. El-Enany, Le petit temple d’Abou Simbel. Paléographie, Paléographie hiéroglyphique 3, IFAO, Le Caire, 2007 ; D. Kurth, A Ptolemaic Sign-List, Hützel, 2010 ; Ph. Collombert, Le tombeau de MéréroukaPaléographie, Paléographie hiéroglyphique 4, IFAO, Le Caire, 2010 ; Fr. Servajean, Le tombeau de Nakhtamon (TT 335) à Deir Al-MedinaPaléographie, Paléographie hiéroglyphique 5, IFAO, Le Caire, 2011 ; Åk. Engsheden, Le naos de Sopdou à Saft El-Henneh (CG 70021)Paléographie, Paléographie hiéroglyphique 6, IFAO, Le Caire, 2014 ; G. Lenzo, Les stèles de Taharqa à Kawa. Paléographie, Paléographie hiéroglyphique7, IFAO, Le Caire, 2015 ; V.G. Callender, El-Hawawish Tombs, sarcophagi, Stelae. Palaeography, Paléographie hiéroglyphique 8, IFAO, Le Caire, 20119 ; S. Rosmorduc, S.J.P. Thomas, Liste de signes hiéroglyphiques de JSesh, version 7.6.1, Paris ; R. de Spens, Glyphologie égyptienne. Couleur, identification et évolution des hiéroglyphes de l’Ancien Empire à la XIXe dyn., Paris, 2022.

[2] Voir aussi : A. Deimel, Šumerisches Lexikon, Rome, 1947 ; W. von Soden, Akkadisches Handwörterbuch, Harrassowitz, Berlin, I - 1965, II-1972, III - 1981 ; Chr. Rüster, E. Neu, Hethitisches Zeichenlexikon, Wiesbaden, 1989 ; R. Borger, Mesopotamisches Zeichenlexikon, Münster, 2003.

[3] Voir par exemple à ce sujet : R. Labat, Traité akkadien de diagnostics et pronostics médicaux, Académie internationale d’histoire des sciences, Paris, 1951 ; R. Labat, « Une nouvelle tablette de pronostics médicaux », Syria, 33, 1, 1956, p. 119‐130 ; M. Civil, « Prescriptions médicales sumériennes », RA, 54, 1960, p. 57‐72 ; M. Civil, « Une nouvelle prescription médicale sumérienne », RA, 55, 1961, p. 91‐94 ; Col., « Herz », RlA, 3, 1972, p. 396‐397 ; P. Adamson, « Anatomical and Pathological Terms in Akkadian: Part III », JRAS, 113, 2, 1981, p. 125‐132 ; P. Fronzaroli, « A Pharmaceutical Text at Ebla (TM .75.G.1623) », ZA, 88, 1998, p. 225‐239 ; N. Heessel, Babylonisch-assyrische Diagnostik, Ugarit-Verlag (coll. AOAT, 43), Münster, 2000 ; J. Scurlock, B.R. Andersen, Diagnoses in Assyrian and Babylonian Medicine: Ancient Sources, Translations, and Modern Medical Analyses, University of Illinois Press, Urbana - Chicago, 2005 ; P. Attinger, « La médecine mésopotamienne », JMC, 11‐12, 2008, p. 1‐96 ; E. Robson, « Mesopotamian Medicine and Religion: Current Depates, New Perspectives », Religion Compass, 2, 4, 2008, p. 455‐483 ; M. Geller, Ancient Babylonian Medicine: Theory and Practice, Malden (MA), Wiley Blackwell (coll. Ancient Cultures), Oxford, 2010 ; « Akkadische Texte des 2. und 1. Jt. v. Chr. 1: Diagnostische Texte », in B. Janowski, D. Schwemer (Dir.), Texte zur Heilkunde, Gütersloh, Gütersloher Verlagshaus (coll. Texte aus der Umwelt des Alten Testaments, Neue Folge, 5), 2010, p. 8‐31 ; M. Rutz, « Threads for Esagil-kīn-apli. The Medical Diagnostic-Prognostic Series in Middle Babylonian Nippur », ZA, 101, 2, 2011, p. 294‐308 ; J. Lisman, Cosmogony, Theogony and Anthropogeny in Sumerian Texts, Ugarit-Verlag (coll. AOAT, 409), Münster, 2013 ; Col., The Healing Goddess Gula. Toward an Understanding of Ancient Babylonian Medicine, coll. Culture and History of the Ancient Near East, 67, Brill, Leiden, 2014 ; M. Ossendrijver, « Conceptions of the Body in Mesopotamian Cosmology and Astral Science », dans T. Buchheim, D. Meissner, N. Wachsmann (Dir.), Soma : Körperkonzepte und körperliche Existenz in der antiken Philosophie und Literatur, Meiner Felix Verlag (coll. Archiv für Begriffsgeschichte), Hamburg, 2016, p. 143‐158. 

[4] Voir par exemple un article assez récapitulatif : F. Hamonic, « Adieu veau, vache, cochon, couvée… » La boucherie à l’Ancien Empire : croisement des données iconographiques, textuelles et archéologiques », Cahiers de l’École du Louvre, 3, 2003 (doi.org/10.4000/cel.511).

 

 


 

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[5] P. Montet, « Les scènes de boucherie dans les tombes de l’Ancien Empire », BIFAO, 7, 1910, p. 41-65 ; — , Scènes de la vie privée dans les tombeaux égyptiens de l’Ancien Empire, Strasbourg, 1925, p. 150-179 ; J. Vandier, Manuel d’archéologie égyptienne, IV, 1964, V, 1969, VI, 1978, p. 298, et, Bas-reliefs et peintures, 1969, pl. IX à XII.

[5bis] R. Cottevieille-Giraudet, Rapport sur les fouilles de Médamoud (1931) Les monuments du Moyen Empire (1933) (1934), Le Caire, IFAO, 1934, p. 48-50.

[6] Voir à ce sujet : R.-A. Jean, « Anatomie humaine. Le membre supérieur - II, Le bras, l’avant-bras et la main », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Cherbourg, 30 juin 2014 ; — , « Anatomie humaine. Le membre supérieur - IV - Atlas anatomique égyptien commenté (3) La main », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Cherbourg, 7 novembre 2014, p. 17.

[7] R.-A. Jean, « Le système respiratoire en Égypte ancienne (6) Physiologie humaine théologique et royale (4) Conclusion cardio-pulmonaire », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Cherbourg, 10 avril 2014, p. 9-10, et fig. 5 et 6.

[8] R-A. Jean, « La médecine Égyptienne (3) : Le système respiratoire », dans Pharaon Magazine, 16, Janvier 2014, p. 47-50 ; — « Notes complémentaires sur le système respiratoire en Égypte ancienne (1) Anatomie », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Cherbourg, 21 février 2014 ; — « Le système respiratoire en Égypte ancienne (3) Physiologie humaine théologique et royale (1) La fête sed et le souffle du roi », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Cherbourg, 27 février 2014 ; — « Le système respiratoire en Égypte ancienne (4) Physiologie humaine théologique et royale (2) Le Sema-Taouy et la mécanique ventilatoire », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Cherbourg, 12 mars 2014 ; — « Le système respiratoire en Égypte ancienne (5) Physiologie humaine théologique et royale (3) Les sceptres pectoraux et l’assimilation pneumatique », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Cherbourg, 14 mars 2014 ; « Le système respiratoire en Égypte ancienne (6) Physiologie humaine théologique et royale (4) Conclusion cardio-pulmonaire », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Cherbourg, 10 avril 2014 ; — « Le système respiratoire en Égypte ancienne (7) Physiopathologie (1) Associations pneumo-hépato-spléniques et cardio-circulatoires », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Cherbourg, 20 avril 2014.

[9] L’hypothèse selon laquelle ces doubles cœurs seraient des décorations honorifiques n’est pas définitive si l’on convient que si l’on excepte la phrase « Les deux cœurs d’argent et d’or lui ont été donnés, noués à son cou par devant tout le pays » (TT 96a de Senefer), rien d’autre reste à l’appui. Par exemple, Malaise (« La signification des pendentifs cordiformes dans l’art égyptien », CdE, 99/100, 1975, p. 131-132) demeure très prudent pour deux raisons principales, que sont : le manque de constance du port du double cœur, et, l’absence de la description d’une cérémonie de récompense, et auxquelles j’ajouterai une question : pèse-t-on une décoration (?) Situation comparable dans la TT 57 de Khâemhat, où figure une scène de récompense, mais aucune inscription mentionnant les cœurs – elle n’aurait pas manqué d’y être montrée. 

[10] Al. Piankoff, Le Cœur dans les Textes Égyptiens, Paris, 1930, p. 66.

[11] Je rappelle à cette occasion : R.-A. Jean, « Naissance et renaissance en Égypte ancienne et dans les religions monothéistes » – En hommage à Madame Anne-Marie Loyrette, dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Angers, 31 mars 2017 ; Voir aussi les autres titres en première page.

[12] Bardinet 1992, p. 126 ; 1995, p. 115 ; Hannig 1995, p. 764, « Leitung, (canalisation) / d. Gefäßsystems (système vasculaire) ». R-A. Jean, A.-M. Loyrette, 2010, p. 58 « système conducteur ».

[13] 

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[14] Ebbell, op. cit., p. 302 « thymus » ; Wb III, 470, 14 - 471, 2 ; Lefebvre 1952, § 22 p. 23 « thymus » ; Alex. 77.3813, 78.3764 « enveloppe graisseuse des rognons (?) » ; Walker 1996, p. 275 « thyroid gland (?) » ; Hannig-Wb I & II, 2 - 29773 « Nierenfett, Nierentalg ; Bauchspeicheldrüse, Pankreas » (graisse des rognons ; pancréas). Son nom doit provenir de sa situation anatomique médiane semblant réunir (sḫn) en sa partie basse les deux côtés du thorax, ainsi que dans sa partie haute le cou au thorax. Le pEbers 860. 105, 1-8 doit concerner un kyste du thymus (voire un kyste hydatique thymique devenu heureusement rare). De taille plus importante chez le jeune, cet organe peut bien figurer dans les listes d’offrandes dans la mesure où les « ris » de veau d’agneau ou de chevreau peuvent être des plats très appréciés, et encore de nos jours.

 

 


 

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[15] Ces termes font partie d’un certain nombre de dénominations se rapportant tous à un des passages internes du cou. Ils peuvent être synonymes. Seul un examen attentif du contexte clinique des textes médicaux, ou physiologique des autres textes, en fournira, à chaque fois, la juste traduction (cf. ici même, chap. 2, 4).

[16] Wb III, 181, 4-15 ; Lefebvre 1952, § 22 p. 22 ; Lacau 1970, § 170 p. 67 ; Alex. 77.2877 « gorge », 78.2854 « gosier » ; Walker 1996, p. 273 « windpipe, trachea » ; Hannig-Wb I & II,x - 22082 « Kehle » (gorge ; gosier) ; PtoLex. p. 685 « throat » (gorge) ; Cauville 1997, III, p. 401-402 « gorge ». Voir Urk. IV, 482,12 pour « l’œsophage » mis en rapport avec la soif. Il s’agit là d’un contexte physiologique. Nous avons tous fait l’expérience d’une « fausse route » de boisson passée par erreur dans la trachée et aussitôt expulsée avec violence.

[17] B. Ebbell, « Altägyptische anatomische Namen », Acta Orientalia 15, 1937, p. 299. Wb IV, 439, 3-4. Lefebvre 1952, § 22 p. 23 « trachée-artère ». Lacau 1970, § 170 p. 67. Alex. 77.4143 « gorge ». Hannig 1995, p 813, « Luftröhre, (trachée-artère) / Speiseröhre (oesophage) ». Walker 1996, p. 276 « gullet, oesophagus ». KoptHWb 335. Vycichl 1983, p. 256, ϣ B « gorge », ϣ  « trachée-artère », « gorge (antilope) ». Voir le pSmith 28. 9,19 pour la « trachée ». — L’œsophage se trouve en effet dans le plan profond.

[18] Wb IV, 535,1 ; Alex. 77.4287 (comme nom d’une artère du cœur) ; Hannig 1995, p. 836 « Empfänger (e. Arterie des Herzens) » (destinataire, récepteur) ; KoptHWb p. 561 ϣϣ « Magen » (estomac). Ce mot dérive du verbe šsp : Wb IV, 530,1 - 533,18 ; Alex. 77.4283, 78.4186 (« saisir, tenir », « recevoir, prendre », « accueillir » quelqu’un…), 79.3062 (« accepter, prendre en charge ») ; Hannig-Wb I & II,2 - 33451 ; PtoLex. p. 1028 « to receiv, accept, take possession ». Arabe šaḏaf, yašḏuf « recevoir, atteindre ». Voir aussi la forme šp . Erichsen 1954, p. 500, dém. šp « recevoir » ; KoptHWb p. 321 ; Vycichl 1983, p. 268, ϣ SB, « recevoir, supporter, acheter ». — Ce vaisseau étant perçu comme « celui qui reçoit » peut être une très importante artère recevant le sang du cœur jb, et donc l’aorte. La phrase suivante indique que c’est celui-là qui alimente le cœur ḥ3ty, il pourrait donc s’agir aussi d’une artère myocardique — ou bien, pour la seconde proposition (99, 19b) des veines caves qui apportent le sang au cœur. Cependant, cela irait à l’encontre de son nom même, et nous aurons l’occasion de voir que les Égyptiens avaient peut-être bien observé certains éléments de la physiologie cardiorespiratoire. Et puis donc, les autres parties du jb, à la valeur plus large, semblent indirectement être irriguées à partir de ce vaisseau si important, ce qui est un argument en faveur de l’aorte. Les autres arguments sont cliniques.

[19] pEbers 855 c. 99, 18-19 : 18 mt 19 šspw rn=f « un vaisseau dont le nom est ‘le récepteur’ », lit. « un vaisseau, ‘ le récepteur ’ est son nom ».

[20] Cat. Ifao 1983, 164,13. ValPhon, I, p. 277, 451, avec les valeurs jbnfr et ḥ3tyHieroglyphica 2000, F35.

[21] La crosse aortique n’étant pas représentée ici, peut-être parce qu’elle est vide à la dissection. Plus tard les Grecs croiront qu’elle charrie de l’air.

[22] Hieroglyphica 2000, F35A.

[23] Cat. Ifao 1983, 164,10 et 11, puis 12 et 14 ; ValPhon. I, p. 277, 453 et 455, puis 456 et 457, avec les valeurs nfr et nfrwHieroglyphica 2000, F 35.

[24] Walker 1996, p. 276 ? venous plexus / GdM V, 395 (Eb. 873) ; Hannig-Wb II,2 - 33680 : štjw « Kreuzgeflecht (von Adern) » (ensemble croisé (de veines)). R-A. Jean, A.-M. Loyrette, 2010, p. fig. 12, p. 61.

[25] Nous verrons que la question de savoir, si des gravures en X, non prolongées, représentent toujours une ficelle de soutien croisée sur une potiche ou un peson, peut être discutée.

 

 

 


CARDIOLOGIE

 

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