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Histoire de la médecine en Egypte ancienne (ISSN 2270-2105)

PNEUMOLOGIE - IV - smema-taouy / mécanique respiratoire

Article complet - mercredi 12 mars 2014 :

PNEUMOLOGIE / PHYSIOLOGIE - II

Plusieurs articles à suivre

   

Fig

  

  • Richard-Alain JEAN, « Le système respiratoire en Égypte ancienne (4) Physiologie humaine théologique et royale (2) Le Sema-Taouy et la mécanique ventilatoire », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Cherbourg, 12 mars 2014.

 

 


 

 

 

 

LE SYSTÈME RESPIRATOIRE

EN ÉGYPTE ANCIENNE (4)

PHYSIOLOGIE HUMAINE

THÉOLOGIQUE ET ROYALE (2)

LE SEMA-TAOUY

ET LA MÉCANIQUE VENTILATOIRE

 

 

Richard-Alain JEAN

 

  

  

           1. Le Sema-Taouy

 

            1.1. Bref historique

           Connu au moins depuis l’Ancien Empire, cet acte d’union des Deux-Terres devait se rapporter principalement à la fête Sed et au rappel de la plénitude du règne du vivant même du souverain éprouvé durant ces manifestations et aussi pour son éternité, « souffle gardé ». En effet, comme le souligne Madame Christiane Desroches Noblecourt [1], en faisant appel aux monuments sur lesquels apparaissent les scènes du Sema-Taouy, « on constate que presque toutes sont d’utilisation jubilaire, statues ou décors muraux provenant de temples “de millions d’années,” depuis les puissantes effigies de Khéphren jusqu’aux derniers témoins ramessides. De surcroît, les vases en albâtre de Tout-ânkh-Amon, taillés en forme de Sema-Taouy sont bien de destination funéraire. » Elle citera encore un dernier exemple avec cet ensemble « sculpté sur une des gargouilles du temple d’Edfou faisant bien allusion à une "inondation” venue du ciel. On en arrive tout naturellement à élargir la portée de ce décor symbolique ... Les deux Hâpy ligaturant les deux plantes évoquent certainement ainsi la période où les eaux de la crue se répandent sur la terre d’Égypte, c’est-à-dire le moment du Jour de l’An connu pour être celui du renouvellement annuel de Pharaon et parallèlement celui du retour d’Osiris. » Le roi confirmé au moment de ce retour cyclique est conforté en tant qu’unificateur, image qui le suivra tout le long de son règne, mais aussi qui l’accompagnera dans l’autre monde.

 

 


  

2

 

« On se rapproche donc beaucoup plus de l’évocation de la nécessaire, primordiale inondation dont tout dépendait, que du souvenir évoquant le couronnement. » Il faut ensuite se reporter à quelques représentations plus tardives des deux Ihy, fils d’Hathor de Dendéra. Ils sont juchés sur des Sema-Taouy. Puis encore dans le couloir menant au mammisi de Philae où « le marécage composé de “lis” et de papyrus est habité par le dédoublement de la vache Hathor nourricière. Puis apparaissent, au-dessus de deux bassins d’où surgissent deux lotus, les deux Ihy, joueurs de sistres. Ainsi donc, les deux plantes résident dans le domaine chthonien où se reconstitue le dieu mort en tant que futur Horus. Gardons aussi présent à l’esprit que “lis” et papyrus sont les supports et les symboles des deux Mères Primordiales Nekhabit et Ouadjet, régnant dans les eaux de la reconstitution. »

            Nous voyons ainsi que la « reconstruction » du corps du souverain et à laquelle s’identifie désormais toute « réédification » de tout homme « justifié » fera appel à cette image qui représente finalement le « maintien » de la circulation vitale entre les Deux-Terres, et dont les flux sont réglés par les divinités bienveillantes. Or nous savons que pour être efficace dans son éternité, cette renaissance doit s’effectuer de façon quasi embryologique et selon la bonne physiologie terrestre. Ainsi cette « inondation » venue du ciel évoquée à partir d’une gargouille du temple d’Edfou n’est certes pas une idée ptolémaïque et nécessité biologique fait loi car pour être respirable, l’air doit aussi être aménagé et ce sera par exemple l’objet d’une l’intention divine provenant d’Amon et sur laquelle nous reviendrons (très ancienne Litanie pour la Conservation du nom, IV). Sur ce modèle de la divinité suprême, sur les antériorités mythologiques et sur la finalité de la résurrection royale et du souffle nécessaire à sa réalisation reposeront donc la vision du phénomène respiratoire humain symbolisé par le Sema-Taouy. Ce sera ma suggestion.

 

            1.2. Représentations

           Le Sema-Taouy est formé d’un axe vertical représentant la trachée-artère limitée en haut par l’accentuation d’un arc hyalin qui symbolise le larynx. Parfois, cette section haute est annelée sur une plus ou moins grande longueur, ce qui peut probablement refléter pour les Égyptiens de l’époque la complexité des éléments cartilagineux et de l’os hyoïde appartenant au larynx et s’articulant entre eux (trônes, chaise et tabouret dorés de Tout-ânkh-Amon, Musée du Caire). La trachée se continue ensuite jusqu’aux masses pulmonaires bilatérales qu’elle traverse. Une ligature végétale est organisée à mi-hauteur. Elle est issue des deux plantes héraldiques manipulées soit par des génies Hâpy ou par Horus et par Seth ou Thot. Il va de soi que l’élément central représente bien le bloc trachée-poumons avec le hiéroglyphe F36, phon. Sm3, Id. « poumon », et aussi, phon. signe racine « réunion » (de sm3, « réunir ») avec immanquablement l’idée que tous les lobes pulmonaires sont bien agglutinés autour de cet axe principal. J’en ai déjà parlé [2]. Il faudra remarquer que la trachée y est généralement composée d’une multitude d’arcs et que les poumons sont souvent montrés pourvus d’un nombre plus élevé de lobes. Il ne faut pas oublier que nous entrons pour le moment dans le domaine théologique essayant de mixer les organes pharaoniques et divins avec des composantes anatomiques animales à des fins magiques. L’environnement de ce signe est variable dans le temps et les représentations, mais ils y figurent très souvent deux personnages fondamentaux situés de part et d’autre et paraissant agir au niveau de ce nœud placé à mi-chemin du grand axe organique. Cependant, la section de la trachée-artère n’est absolument jamais resserrée par cette contrainte. Les acteurs semblant plus « régulateurs » que « comprimeurs ». En fait, ils se saisissent, à ce premier niveau, chacun d’une tige émanant des deux touffes de plantes héraldiques disposées de chaque côté. Comme le nombre de tiges végétales est tout à fait symbolique, selon que les deux signes apparentés à M15 en comprennent de trois (fig. 2) (trône de Sésostris Ier, Musée du Caire ; vase en calcite de Tout-ânkh-Amon) à sept (tabouret en bois doré de Tout-ânkh-Amon, Musée du Caire, ), et même treize (Abydos), il peut rester un ou plusieurs éléments libres plus petits car inemployés.

 

 


  

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Si nous prenons par exemple le Sema-Taouy gravé dans le granit du trône de Ramsès II à Louxor (fig. 5), nous compterons deux brins utilisés de chaque côté, ce qui fait quatre passages en tout dans le processus noué, dont deux aux extrémités supérieures libres moyennes efflorescentes et deux plus longs placés dans les mains des opérateurs. C’est la situation la plus courante. Voir encore un autre vase en calcite de Tout-ânkh-Amon (fig. 7) (Musée du Caire). Au deuxième niveau, c’est-à-dire en bas pour des raisons anatomophysiologiques, les dieux ou les deux génies Hâpy posent délicatement le bout du pied sur le dôme pulmonaire en avançant l’un sa jambe gauche légèrement pliée et l’autre pareillement sa jambe droite, tandis qu’à chaque fois l’autre jambe des personnages reste tendue avec la plante du pied solidement campée à plat sur le sol.

 

Fig

           

           2. Interprétation physiologique

            Nous sommes maintenant dans une approche externe de l’air et de la respiration offerte par les dieux aux souverains puis aux hommes prenant conscience de leur dignité et de leur unicité. Nous la réaliserons en nous aidant de différents passages funéraires dont les compositions d’origine thébaine sont connues sous le nom de Livre des Respirations [3] et de quelques autres.

 

 


 

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            2.1. Les qualités de l’air

             L’air doit exister et être aménagé sous le contrôle de la divinité.

 

            2.1.1. Les qualités physiques de l’air

            Pour les Égyptiens, c’est Osiris-Rê « qui accorde la respiration à tout visage » (2.LR § III) [4] (Rê pour les vivants et le « soleil des morts » pour le défunt) car pour les non-spécialises de ce temps pour qui la vie était très souvent décrite à partir de la « réanimation du mort », « Osiris est l’air que tu respires » (1.LR § IX), c’est un phénomène culturel autant que religieux. Le Rituel de L’Ouverture de la Bouche [5] (Scène XXXIX) [6] apporte d’emblée un élément « physique » de la définition même du « souffle » dans ce qu’il a de plus dénué puisqu’il s’agit de son absence, c’est un paradoxe. Il est dit en effet dans la séquence correspondant à l’apport d’une plume d’autruche : « Prendre la plume d’autruche et en éventer N, quatre fois : Ô N ! Prends pour toi l’Œil d’Horus et ton visage n’en sera jamais dépourvu ! » – littéralement, « vide » et en jouant sur les homophones šwt « plume », w(j) « éventer … », šw « être vide ». La formule insiste ainsi sur la complétude de l’Œil sacré et dont l’air de Shou doit être une composante adjointe. Autrement dit, sans « agitation » de la plume du dieu par le prêtre délégué de Rê, pas de « création d’air », c’est le « vide ». C’est la « consistance physique » de l’air qui devient de ce fait « existant » qui est décrite par opposition.

           Une fois cet acte accordé, l’air (3w) apparaît en « abondance » tout naturellement pour l’individu vivant ou re-vivant, il est alors représenté par une voile gonflée de bateau (P5) (par exemple tombe de Sennedjem) (fig. 3) afin de montrer désormais sa permanence (1.LR § IV). C’est un début de conception physique et aérodynamique.

           Il existe aussi une notion de température, avec la fraîcheur consentie de la brise du Nord. Celle-ci peut provenir de Hâpy quand il est à la fois l’Inondation personnifiée et le « Prince du ciel » (2.LR § II). Le même texte nous indique aussi qu’elle peut être modulée « donne-moi la douce brise qui vient de toi ».  Il s’agit donc bien ici du « sens physique » frais ou tempéré.

 

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            2.1.2. Les qualités chimiques de l’air

 

            Pour un début de conception chimique d’un bon air respirable, nous devrons pour le moment nous contenter de savoir que « La bouche même d’Amon … te donnant de l’air » (1.LR § III ; § VI) cet air donc, doit être humidifié « Toi qui expectores Chou et Tefnout » (très ancienne Litanie pour la Conservation du nom, § IV) [7]. En effet, les fluides dispensés par Hâpy répondent à la demande : « Donne-moi l’eau, l’air à respirer et ta fraîcheur qui vient de toi » (2.LR § II B). Il s’agit d’un besoin vital réclamé par l’organisme.

           On doit pouvoir également interpréter et ajouter à la notion physique de température celle de « fraîcheur chimique » dans le sens où cet « air vif » correspond aussi à un « renouvellement ». Ceci doit être possible dans la mesure où nous argüerons plus tard que l’un de ses effets pouvait être « lavé ». C’est-à-dire, purifié, en lui ôtant d’une façon ou d’une autre et même indirectement son côté « vicié ». C’est du moins mon interprétation et j’aurai l’occasion d’y revenir avec la physiopathologie. Disons déjà simplement ici que les Égyptiens avaient peut-être compris, même un peu confusément, que dans ce fluide environnant pouvaient coexister plusieurs fractions impalpables, des bonnes et des mauvaises, et donc que la non-absorption des souhaitables ou l’excès d’assimilation d’une partie néfaste ou sa conservation corporelle pouvait nuire à la santé. Nous tenterons aussi, et auparavant dans le prochain article, une approche biologique interne [8].

 

            2.2. Le parcours externe du souffle

 

            C’est l’homme qui sollicite les bienfaits de la divinité pour vivre à son image. En effet, après avoir décrit les quatre points cardinaux (d’où peuvent provenir les vents), N. proclame « est-il quelqu’un qui me soit comparable si ce n’est toi ? Hâpy l’ancien, donne-moi la douce brise qui vient de toi … si tu es vigoureux, je suis vigoureux et vice versa, si tu es vivant je suis vivant et vice versa » (2.LR § II B).

            Une fois l’air disponible aux vivants comme aux morts, il pourra être inhalé.

 

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            3. La mécanique ventilatoire

 

            Nous aborderons maintenant une approche interne.

            Le Sema-Taouy se présente comme un appareil respiratoire inférieur complet. À partir d’un nœud symboliquement placé à mi-hauteur de la trachée, c’est-à-dire montré en situation centralisée, se croisent un nombre lui aussi symbolique de mono-tiges de plantes héraldiques. Si en effet dans les diverses représentations qui nous sont conservées les chiffres sont variables, bien qu’avec un net avantage pour un croisement à deux tiges ce qui fait quatre brins engagés par côté (extrémités opposées comprises), ces sortes de ramifications apparentes pourraient bien être représentatives – et au moins magiquement fonctionnelles – d’unités de circulations qui dévoileraient ainsi une certaine conception de la mécanique ventilatoire, circulatoire puis respiratoire profonde des anciens Égyptiens. Elles pourraient ainsi correspondre à la transmission de l’air dans les deux sens à l’intérieur des bronches et de leurs divisions intra-pulmonaires (puis pour nous menant aux alvéoles), à son interaction liquidienne divisée ou non entre les couleurs de sang frais ou pas [9], et au processus de commandement différé de l’ensemble (pour le centre phrénique).

 

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            3.1. La pression aérienne

 

           Si nous regardons les entités divines providentiellement situées des deux côtés d’un ensemble complet, nous pouvons très souvent remarquer que deux de leurs membres inférieurs s’emploient activement à exercer une pression douce mais d’une façon uniforme sur le dôme pulmonaire, c’est-à-dire pour chacune, le pied, ou le bout du pied posé de façon absolument symétrique sur les parties droite et gauche des deux poumons afin d’y imprimer leurs « forces » (Fig. 5). Les pressions abdominale (basse) et thoracique (haute) se rejoignent alors pour « fabriquer » le va-et-vient aérien (entrées, sorties) engendré ici par les poussées successives dues à l’action des membres inférieurs des génies correspondant comme s’ils actionnaient un soufflet. On peut voir aussi que la ventilation est signifiée de manière inversée par rapport à l’action principale de la contraction ou du relâchement de la coupole diaphragmatique, mais pas fausse non plus si l’on considère l’action des muscles accessoires supérieurs, et surtout, de la dépression intra-pleurale qui fait adhérer les parois externes des poumons à la cavité interne du thorax.

           Bien qu’uniquement physique jusqu’à présent nous le voyons, il semble que nous ayons déjà affaire à une action à la fois physiologique et théologale. Les deux notions se complétant ici mutuellement. C’est une image, certes, puisque dans d’autres endroits, sûrement quand ce « coup de starter » ou cet entretien divin n’est plus obligatoire car l’ensemble cardio-respiratoire désormais « assuré », ou montré durant sa vie terrestre, le souverain peut être représenté avec un Sema-Taouy simple figurant sur les deux côtés de son trône, ou bien encore pour plus de sûreté, accompagné de part et d’autre par les génies du Nil prêts à pallier une défaillance de façon qu’en toute circonstance, le roi n’oublie pas de respirer ! (fig. 6) Gardons en mémoire que de son existence même dépend le maintien de la Nation.

 

Fig

 

            3.2. Le nœud de rassemblement

 

           Bien situé à mi-hauteur de la trachée-artère pour départager d’une façon équitable la « puissance exercée » (wsr) au niveau privilégié de cette prolongation interne du cou (wsrt), ce que j’appellerai ici le « nœud de rassemblement » indique classiquement l’union formelle des Deux-Terres parcourues du Sud au Nord par le grand fleuve (jtrw) mais aussi un des points de commandement de la crue et de la décrue vitale pour le Double-Pays. Un autre point de commandement essentiel se situant dans la caverne d’où naît le Nil. Si l’on assimile les oscillations périodiques du fleuve sacré dont les génies s’emploient à régler les éléments (crues et décrues), aux mouvements respiratoires (inspirations et expirations), on peut très bien localiser la puissance au Sud et la comparer avec, placé en bas, le centre phrénique (diaphragmatique), qui peut être stimulé à distance par l’intermédiaire, pour les Égyptiens, de l’autre commande à localisation moyenne, « centralisée », et cette fois au contact direct des anses circulatoires constituées des gros vaisseaux creux et voir des conduits pleins blancs (tous des mtw). Ainsi tous les fluides parcourront l’ensemble de l’appareil, à l’aller, comme au retour.

 

 


 

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Les gros vaisseaux (mtw) creux correspondant aux artères et aux veines médiastinales importantes dont la crosse de l’artère aorte ce « grand récepteur » (šspw), et aussi les veines caves supérieure et inférieure, les veines et les artères pulmonaires [10], tout ce paquet vasculaire s’ajustant et paraissant être absorbé par le cœur et les poumons. Le muscle cardiaque est alors compris comme sachant brasser tous ces fluides et les redistribuer sans cesse au plus près de lui c’est-à-dire à l’organisme pulmonaire (jb), puis, jusqu’aux confins du corps. Nous envisagerons de quelle façon. Cette régulation met aussi en œuvre d’autres systèmes pleins que représentent les muscles respiratoires principaux et accessoires évoqués dans mon article précédent (mtw pleins rouges), leurs tendons, et aussi des nerfs (mtw pleins blancs). Ces derniers réalisent la transmission du commandement nécessaire à toutes ces étapes respiratoires. Les Égyptiens, comme je l’ai déjà dit, pouvaient tout au moins en avoir une idée partielle, avec, justement, les notions de transports de forces. Aussi, il ne serait pas absurde de tenter de décrypter dans certains de ces conduits pleins blancs, des possibilités de passages de forces volontaires et involontaires, transitant par l’intermédiaire de ce nœud régulateur et placés aux contacts intimes de ceux qui, creux, transportent de l’air et des sangs aux poumons (znfw nw sm3).

 

           3.2.1. La régulation de la respiration involontaire

 

            Pour qu’il en soit ainsi, et pour être efficace, la geste divine créatrice de pressions et de dépressions alternatives devra s’exercer au niveau central de commandement pour une meilleure régulation. Ainsi de Nout, la Mère des deux Soleils (Rê et Osiris), naîtra la « respiration automatique » programmée en son sein qui je le rappelle récapitule à la fois l’utérus et le sarcophage : « Crée ... la respiration à laquelle tu commandes » (2.LR § VI). On peut également se demander si la suite immédiate de ce texte [11] ne fait pas une double allusion. D’une part bien entendu il y a la possibilité pour le nouvel Osiris N d’entrer sans encombre, de demeurer et de ressortir du ventre de l’auguste Mère. Mais aussi d’autre part si « la faculté d’entrer et de sortir que renferment tes poings » indiquée ne peut pas, dans l’esprit, être rapprochée de l’action manuelle régulatrice pratiquée depuis l’état embryonnaire dans le liquide amniotique (mw) par des mains expertes à « tirer les ficelles » de la respiration, soit par l’action des deux mêmes génies humides bien employés.

            On pourrait aussi se demander si le réflexe respiratoire n’était pas sous-entendu par le fait à chaque fois vérifié que l’inspiration entraîne l’expiration comme la crue entraîne la décrue. De cette observation se déduirait que l’inspiration assimilée à la « montée des eaux » provient bien du Sud (c’est une confirmation) et que l’expiration assimilée à la décrue provient du Nord mais d’une façon volontiers passive pour l’organisme – comme s’il pouvait en être en retour « insufflé » une nouvelle fois de manière à relancer le mécanisme. Une bonne inspiration réalisée à partir du Sud augure bien en effet de l’inhalation d’une « Douce brise venant du Nord » et provenant d’Amon.

 

           3.2.2. La régulation de la respiration volontaire

 

            La respiration involontaire puisque « permanente » est doublée d’une autre, volontaire. Cette dernière est importante parce que’elle peut donner sa « puissance au souffle », souffle utile par exemple, quand assimilé au b3 d’Horus il est question d’accomplir « l’extinction de la flamme quand elle jaillit » (2.LR § II B), soit de se « sauver » : « j’ai éteint la flamme et je m’en suis sorti » (LdM, 22) [12]. Comme souvent nous sommes en présence d’une adresse à Horus Haroëris (pCaire 58008 et pLouvre N 3279), celui-là même qui à Létopolis a su guérir le corps de Rê (2.LR § II A), il peut s’agir d’un sauvetage médical nous le reverrons, grâce au souffle salutaire opposant la puissance nécessaire à repousser les maladies, tout maux dont les manques, les insuffisances respiratoires et cardiorespiratoires.

 

 


  

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Ainsi, comme je l’avais indiqué ailleurs et pour d’autres raisons à propos du cœur et du système nerveux chez l’homme, le récipiendaire peut affirmer : « J’ai l’usage de mon cœur, l’usage de mon myocarde, … l’usage de ma bouche » (2.LR § II B), car dit un peu plus haut le texte « Ô mon cœur, je suis ton Maître ! », « Je suis celui qui croît et qui décroît (litt. qui se lève et s’assied) comme Hâpy l’ancien et je dispose de lui selon ma volonté ». De plus, le texte que nous avons vu plus haut à propos de la respiration involontaire (2.LR § VI) peut également s’appliquer ici dans la mesure où le nouvel homme est assimilé à la divinité capable de « commander » à la respiration, – le sujet est donc désormais doué de respirations volontaire et involontaire.

            Il faudra aussi remarquer, que si les médecins de l’époque, considéraient comme je l’entends des mtw pleins blancs porteurs d’ordres, un peu à la façon dont je l’indiquais dernièrement dans un cours en plaisantant sur « les tendons de pattes de canards, de poulets ou d’oies que nous avons tous tirés un jour quand nous étions enfants pour faire s’en mouvoir les doigts », mais avec très probablement une notion supplémentaire de transport et de répartitions des forces à utiliser là où elles sont utiles, les Égyptiens devaient également en avoir aperçu au centre du thorax comme faisant partie d’un classique « paquet vasculo-nerveux » tels que ceux qu’ils n’ont pas pu manquer d’observer à chaque carrefour important de l’anatomie humaine (cou, aisselles, aines …), et ainsi lui attribuer (même à tort) la fonction motrice principale de la mécanique ventilatoire. Cependant, nous avons vu qu’un autre centre de commandement était à envisager plus bas au Sud au niveau de la caverne mythique de la naissance du Nil. Il ne figure pas dans les représentations de notre objet, mais probablement comme je l’ai déjà dit doit-il être compris comme déléguant son contrôle à celui mis en exergue dans l’axe médico-théologal (fig. 8).

           Il était donc logique de montrer un « centre de contrôle et de répartitions » localisé juste au-dessus d’une représentation des « poumons vides » : le nœud du Sema-Taouy.

 

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           3.3. Le souffle maîtrisé

 

           Nous avons vu l’importance de tous ces phénomènes pour le roi dans ses courses successives et avec handicaps durant les fêtes jubilaires.

            Voyons maintenant rapidement, et simplement à titre d’illustrations, ce que permet le souffle normal à un organisme sain, comme de respirer une fleur de lotus, se lamenter et pleurer bruyamment au cours d’un enterrement, ou encore jouer d’un instrument de musique à vent et danser en même temps (fig. 9-15).

 

 

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[1] Chr. Desroches Noblecourt, « Les Déesses et le Sema-Taouy », dans  Studies in Honor of William Kelly Simpson, I, Boston, 1996, p. 191-197. Voir aussi, Chr. Desroches Noblecourt, « À propos des piliers héraldiques de Karnak : une suggestion », dans les Cahiers de Karnak, XI, Louqsor, 2003, p. 387-403.

[2] R.-A. Jean, « Le système respiratoire en Égypte ancienne (3) Physiologie humaine théologique et royale (1) La fête sed et le souffle du roi », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Cherbourg, 27 février 2014, p. 8 ; R.-A. Jean, « Notes complémentaires sur le système respiratoire en Égypte ancienne (1) Anatomie », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Cherbourg, 21 février 2014, p. 4-12.

[3] Livre premier des Respirations, abrégé ici partout 1.LR. Le Livre second des Respirations est abrégé 2.LR.

1.LR : P.J. de Horrack, Le Livre des Respirations, d’après les manuscrits du Musée du Louvre. Texte, traduction et analyse, Paris, 1877 ; M. Valloggia, « Le Papyrus de Lausanne n° 3391 », dans J. Vercoutter (Éd.), Hommages à Serge Sauneron, IFAO, Le Caire, 1979, I, p. 285-304 et planches.

2.LR :J. Lieblein, Le Livre Égyptien « Que mon nom fleurisse », Leipzig, 1895 ; W. Golenischeff, Papyrus hiératiques du Musée du Caire, CGC, fasc. I, Le Caire, 1927, p. 23-99 et planches. G. Goyon, Le papyrus du Louvre N. 3279, BdE XLII, IFAO, Le Caire, 1966 ; F.-R. Herbin, « Une nouvelle page du Livre des Respirations », BIFAO, 84, 1984, p. 249-302 avec planches.

1.LR et 2.LR : G. Goyon, Rituels funéraires de l’ancienne Égypte, Paris, « Les Livres des Respirations » , Paris, 1972, p. 183-317.

[4] G. Goyon, op.cit. 1972, p. 266.

[5] Rituel de l’ouverture de la bouche, abrégé ici partout LOB. G. Goyon, op. cit. 1972, p. 87-182.

[6] G. Goyon, op. cit. 1972, p. 134 et note 2.

[7] G. Goyon, op. cit. 1972, p. 203.

[8] R.-A. Jean, « Le système respiratoire en Égypte ancienne (5) Physiologie humaine théologique et royale (3) Les sceptres pectoraux et l’assimilation pneumatique », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Cherbourg, 14 février 2014, p. 11.

[9] Cf. pour cela : Richard-Alain JEAN, « Le système respiratoire en Égypte ancienne (5) Physiologie humaine théologique et royale (3) Les sceptres pectoraux et l’assimilation pneumatique », dans Histoire de la médecine en Égypte ancienne, Cherbourg, 14 février 2014, p. 4-15.

[10] R.-A. Jean, « La médecine égyptienne (3) : Le système respiratoire », Pharaon Magazine, 16, Janvier 2014, p. 48.

[11] Et ceci dans la mesure où à cette phrase intermédiaire est adjointe plus loin la même mention « … qu’il entre en toi … » et qui pourrait faire doublon (bien que nous soyons dans un contexte magique).

[12] P. Barguet, Le Livre des Morts des anciens Égyptiens, Paris, 1967, p. 69 et leçon de la note 3. Voir aussi pour tout cela : G. Goyon, op.cit 1966, p. 31, notes 2 et 3.

 

 


 

  

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